Louis de Funès de Galarza, dit Louis de Funès, est un acteur français né le à Courbevoie et mort le à Nantes.
Ayant joué dans plus de cent quarante films, il est l’un des acteurs comiques les plus célèbres du cinéma français de la seconde moitié du xxème siècle et réalise les meilleurs résultats du cinéma français, des années 1960 jusqu’au début des années 1980 : les films dans lesquels il apparaît attirent plus de 270 millions de personnes dans les salles. Il réalise également les meilleures audiences télévisées, cumulant plus de 400 millions de téléspectateurs en France, avec la rediffusion de ses 90 films les plus célèbres. Très peu récompensé, il reçoit notamment un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière en 1980.
Après presque vingt ans sur les planches ainsi que devant les caméras dans de nombreux seconds rôles, il impose son personnage de Français moyen impulsif, râleur, au franc-parler parfois dévastateur, aux mimiques et verbigérations muettes. C’est dans les années 1950 qu’il se fait connaître du public avec La Traversée de Paris (1956), ses premiers rôles principaux et le triomphe au théâtre d’Oscar. Dans les deux décennies qui suivent, on le retrouvera dans une suite de succès populaires, parmi lesquels : Pouic-Pouic (1963), Le Gendarme de Saint-Tropez (1964) et ses cinq suites, la trilogie Fantômas (1964), Le Corniaud (1965), La Grande Vadrouille (1966), Le Grand Restaurant (1966), Oscar (1967), Les Grandes Vacances (1967), Le Petit Baigneur (1967), Hibernatus (1969), Jo (1971), La Folie des grandeurs (1971), Les Aventures de Rabbi Jacob (1973), L’Aile ou la Cuisse (1976), La Zizanie (1978) et La Soupe aux choux (1981). Il a également adapté quelques scénarios et coréalisé L’Avare (1980) avec Jean Girault.
Outre la France, les films de Louis de Funès ont connu un grand succès dans divers pays européens, et notamment en Russie, du temps de l’URSS. Sa popularité ne s’étendra que très peu dans le monde anglo-saxon, à l’exception du succès outre-Atlantique de Rabbi Jacob (1973), nommé pour un Golden Globe en 1975. Le souvenir de l’acteur est entretenu par deux musées : le musée Louis de Funès, dans son château de Clermont, et le musée de la gendarmerie et du cinéma de Saint-Tropez dans l’ancienne gendarmerie.
Issu d’une famille ruinée de la noblesse castillane, Louis de Funès est le troisième enfant de Carlos Luis de Funes de Galarza (1871 – Malaga, ) et Leonor Soto Reguera (Ortigueira, – Montmorency, ), arrivés d’Espagne en 1904 après que son père eut enlevé sa mère, la famille de la grande bourgeoisie de celle-ci (le père de Leonor est un grand avocat de Madrid) s’opposant tout d’abord à leur union puis acceptant finalement de la doter confortablement. Ses deux aînés sont Marie (Maria Teolinda Leonor Margarita), née à Courbevoie le et morte à Paris le , mariée en secondes noces avec le réalisateur François Gir, et Charles (Carlos Teolindo Javier), né à Courbevoie le et « mort pour la France » à Rethel le 20 mai 1940 (soldat au 152ème régiment d’infanterie), « fauché par une mitrailleuse allemande ».
Personnage un peu fantasque, son père, qui ne peut plus exercer sa profession d’avocat depuis son installation en France, s’improvise diamantaire avant de partir plusieurs années au Venezuela, « dans l’espoir de faire prospérer ses affaires », d’où il revient rongé par la tuberculose avant de mourir seul en Espagne en 1934. Sa mère, en revanche, est le premier professeur de comédie de Louis, avec son fort caractère :
« Il arrivait à ma mère de me courser autour de la table en criant « Yé vais té touer ». Dans sa façon d’être et d’agir, elle possédait, sans le savoir, le génie des planches. »
— Louis de Funès
Elle lui donne également ses premières leçons de piano à l’âge de 5 ans. Le jeune Louis passe toute son enfance à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), où il fréquente l’école Jules-Ferry.
En 1930, à 16 ans, après des études secondaires moyennes au lycée Condorcet et sur les conseils de son frère, devenu fourreur, de Funès entre à l’École professionnelle de la fourrure, située près de la place de la Bastille, mais il en est renvoyé pour chahut. Il travaille ensuite chez plusieurs fourreurs, exerce successivement différents métiers (comptable, étalagiste, décorateur), mais, à cause de ses renvois systématiques et par lassitude de ses frasques professionnelles, ses parents l’inscrivent en 1932 à l’École technique de photographie et de cinéma, située à deux pas de son domicile, où il choisit la section cinéma. Dans les cours, il a notamment pour condisciple Henri Decaë qui fut, bien plus tard, directeur de la photographie sur plusieurs de ses films.
« Louis de Funès était quelqu’un qui n’était pas expansif à la ville. Chaque fois que nous nous rencontrions pour un nouveau film, il me redisait quelques formules chimiques apprises à l’ETPC vingt ou trente ans auparavant, en 1933, dont ce nom de produit qui le faisait hurler de rire, « hyposulfite de soude ». Ceci en imitant le professeur strict qui nous en enseigna les propriétés… C’était comme une connivence entre nous ! »
— Henri Decaë
Finalement, il est renvoyé pour incendie volontaire. Commence alors un cycle de périodes de chômage et d’emplois d’où il finit toujours par se faire renvoyer. « Après avoir abandonné ses études secondaires, mon père avait exercé toutes sortes de petits métiers. Je me demande s’il ne les enjolivait pas un peu dans ses interviews car à la maison il n’en parlait jamais », expliquera son fils Olivier de Funès.
En 1942, à l’âge de 28 ans, il décide de devenir comédien, et s’inscrit au cours Simon, réussissant son concours d’entrée grâce à une interprétation d’une scène des Fourberies de Scapin, de Molière. Même s’il n’y fait qu’un court passage, il croise dans le cours d’autres apprentis comédiens, comme Daniel Gélin, qui lui permet de débuter plus tard dans la pièce L’Amant de paille de Marc-Gilbert Sauvajon.
« Un hasard prodigieux. Je descendais d’un wagon de première dans le métro et Daniel Gélin, déjà croisé au cours René-Simon, montait dans un wagon de seconde. La porte allait se refermer lorsqu’il me crie : « Téléphone-moi demain. J’ai un petit rôle pour toi ». »
— Louis de Funès
Daniel Gélin donnera cependant une version un peu différente de leur rencontre sur le quai de métro dans son autobiographie. À côté de quelques petites figurations théâtrales, l’acteur se démène pour gagner sa vie grâce à ses activités de pianiste, donnant parfois des cours le jour, puis jouant la nuit à travers le Paris nocturne.
En 1945, toujours grâce à Daniel Gélin, que de Funès surnommait « Ma Chance » lorsqu’il le croisait, il débute au cinéma dans La Tentation de Barbizon (1946), de Jean Stelli. Dans le petit rôle du portier du cabaret Le Paradis, il prononce sa première réplique à l’écran en voyant un client interprété par Pierre Larquey qui essaye de passer à travers une porte fermée : « Ben, il a son compte celui-là, aujourd’hui ! » L’acteur enchaîne dès lors silhouettes, figurations et petits rôles. Quelquefois, il incarne même plusieurs personnages dans un même film, comme pour Du Guesclin (1948) de Bernard de Latour, où il tient tour à tour les rôles de mendiant, de chef de bande, d’astrologue et de seigneur. Il joue dans Pas de week-end pour notre amour (1949), une comédie conçue autour du ténor-vedette de l’époque, Luis Mariano ; de Funès y tient le rôle secondaire du domestique-pianiste du baron joué par Jules Berry, ce qui lui permet d’accompagner à l’écran des airs d’opérettes et autres morceaux de facture classique, mais également de jazz.
En 1950, il est pianiste-comédien dans la troupe Les Burlesques de Paris de Max Révol lorsque Sacha Guitry lui confie plusieurs petits rôles, notamment dans La Poison (1951), Je l’ai été trois fois (1952), Si Paris nous était conté (1955) et surtout La Vie d’un honnête homme (1953), où il a un rôle un peu plus consistant de valet de chambre « obséquieux et fourbe, presque inquiétant l’espace d’un plan ». Dans ce film, son personnage s’affine un peu plus « il apparaît « au naturel », sans grimace ni moustache » et il est associé pour la première fois à Claude Gensac. En 1952, il rejoint la troupe des Branquignols dirigée par Robert Dhéry, bien que les circonstances de la rencontre entre de Funès et Dhéry varient considérablement en fonction des auteurs. Il débute d’abord dans la revue Bouboute et Sélection.
« En 1952, mon père jouait La Puce à l’oreille de Feydeau. À la fin de la représentation, mon père courait au petit théâtre Vernet pour apparaître dans le premier sketch de Bouboute et Sélection puis, il reprenait le métro pour rejoindre le cabaret où il incarnait un clochard »
— Olivier de Funès
Puis il officie dans Ah ! les belles bacchantes en 1953. Cette revue obtient un grand succès deux années de représentations et contribue à le faire connaître. De plus, intégré dans une troupe dédiée au comique, l’acteur, influencé par le jeu de Maurice de Féraudy, va perfectionner sa technique. Il tourne ses premiers films en couleurs l’année suivante dans l’adaptation à l’écran du spectacle par Jean Loubignac, mais aussi dans La Reine Margot (1954) de Jean Dréville, tourné avant, mais sorti en salles après. Cette même année, il joue face à Fernandel dans Le Mouton à cinq pattes (1954) d’Henri Verneuil et pour la première fois face à Bourvil dans Poisson d’avril (1954) de Gilles Grangier. Jean-Paul Le Chanois, après lui avoir confié deux petits rôles dans Sans laisser d’adresse (1951) et Agence matrimoniale (1952), lui offre le second rôle de M. Calomel dans la comédie populaire à succès Papa, maman, la bonne et moi (1954) et sa suite Papa, maman, ma femme et moi (1956). Courant les cachets, il tourne en 1954 pas moins de dix-huit films dans lesquels il n’obtient que des seconds rôles.
« Louis de Funès, l’acteur le plus drôle de France »
— France Dimanche
Il tient encore un rôle principal dans Taxi, Roulotte et Corrida (1958), d’André Hunebelle. Ce film, tourné en Espagne, connaît un certain succès avec 2,542 millions d’entrées. Pourtant, la progression de sa carrière au cinéma marque une pause, et l’acteur va retourner à des films ou des rôles moins importants pour quelque temps.
C’est d’abord au théâtre que la carrière du comédien va connaître une nouvelle accélération. Depuis ses débuts, l’acteur ne s’est jamais éloigné des planches et il reprend notamment, en 1957, aux côtés de Danielle Darrieux et Robert Lamoureux, le rôle créé par Raimu dans Faisons un rêve de Sacha Guitry. Le biographe de l’auteur, Jacques Lorcey, note : « Ce sera la dernière grande joie de notre Sacha Guitry. Ce succès, obtenu par des vedettes tellement différentes des créateurs lui apporte la certitude que son théâtre lui survivra. »
En septembre 1959 pour les tournées Karsenty, il débute les répétitions d’Oscar, une pièce de Claude Magnier créée à Paris l’année précédente avec Pierre Mondy et Jean-Paul Belmondo. À partir du 1er octobre, commencent les cent jours d’une tournée en province et en Afrique du Nord. Le succès est tel qu’on lui propose de reprendre la pièce à Paris en janvier 1961. D’abord hésitant, il accepte finalement. La pièce est un énorme succès, et sur scène, il multiplie les improvisations et les prouesses physiques :
« Louis de Funès était carrément génial dans Oscar. Génial d’invention, de burlesque. Il avait amélioré le rôle. »
— Pierre Mondy, créateur du rôle repris par de Funès.
L’acteur reprendra « ce rôle fétiche » dans l’adaptation cinématographique de la pièce réalisée par Édouard Molinaro en 1967, puis à nouveau sur scène au début des années 1970 dans une mise en scène de Pierre Mondy.
En parallèle, il continue à tourner au cinéma comme en 1961 dans un petit rôle de barman dans Le crime ne paie pas (1962), le troisième film réalisé par Gérard Oury. Lors du tournage, alors qu’il tient le seul rôle comique du film, de Funès essaie de convaincre le réalisateur qu’il est fait pour tourner des films comiques : « Quant à toi, tu es un auteur comique, et tu ne parviendras à t’exprimer vraiment que lorsque tu auras admis cette vérité-là. » La même année, il tient le double rôle des jumeaux Viralot, l’un chef du personnel et l’autre commissaire, dans La Belle Américaine (1961) de Robert Dhéry. L’année suivante, il incarne un restaurateur colérique et cupide face à Jean Gabin dans Le Gentleman d’Epsom (1962) de Gilles Grangier. Il retrouve la tête d’affiche avec Jacqueline Maillan dans Pouic-Pouic (1963), l’adaptation par Jean Girault de la pièce de boulevard Sans cérémonie, qu’il avait écrite avec Jacques Vilfrid. De Funès avait participé à la création de la pièce en 1952 il tenait le rôle du maître d’hôtel incarné par Christian Marin dans le film mais la pièce n’avait pas connu le succès. Finalement, malgré cet insuccès et les difficultés rencontrées par le réalisateur auprès des producteurs pour monter le projet autour de l’acteur, ce film lui permet de retrouver un large public et marque le départ de la seconde partie de sa carrière qui ne verra plus sa popularité fléchir.
Dans Oscar comme dans Pouic-Pouic, de Funès incarne un homme aisé et irascible, ayant des difficultés avec sa progéniture : il décline son « personnage fétiche inspiré du Pantalon » de la commedia dell’arte. Il a alors créé son personnage comique : colérique, autoritaire, grimaçant, tout en énergie et « a gommé certaines outrances qui le parasitaient dans les années 1950. »
S’appuyant sur sa nouvelle popularité, certains de ses films ressortent sous de nouveaux titres. Ainsi, en janvier 1969, ressortent Les Bons Vivants (1965) de Gilles Grangier sous le titre Un grand seigneur, Certains l’aiment froide (1960) de Jean Bastia sous le titre Les râleurs font leur beurre et Dans l’eau qui fait des bulles (1961) de Maurice Delbez sous le titre Le garde-champêtre mène l’enquête.
La Folie des grandeurs (1971) de Gérard Oury doit marquer les retrouvailles de de Funès et Bourvil, mais la mort de ce dernier interrompt le projet. Simone Signoret suggère alors le nom de Yves Montand à Oury, qui perçoit le potentiel du duo :
« J’avais conçu pour Bourvil un rôle de valet de comédie genre Sganarelle. Montand sera plus proche de Scapin. »
Le tournage démarre après quelques modifications du scénario, et le film est un grand succès avec plus de 5,5 millions d’entrées à sa sortie.
Fin novembre 1971, au théâtre du Palais-Royal, il reprend Oscar, qu’il joue presque chaque soir, avec son fils Olivier, jusqu’à septembre 1972 avec une interruption pendant l’été (Oscar est jouée plus de quatre cents fois). À partir de mars 1973, il s’investit énormément dans le tournage des Aventures de Rabbi Jacob qui sort le 18 octobre de la même année, en acceptant de danser le célèbre ballet hassidique. C’est un nouveau triomphe avec plus de sept millions de spectateurs. Le lendemain, le comédien est à nouveau sur les planches à la comédie des Champs-Élysées, pour ce qui fut sa dernière apparition au théâtre. Jusqu’au , il joue presque deux cents fois la pièce de Jean Anouilh, La Valse des toréadors.
Le , Louis de Funès fait un malaise. Le , après avoir ressenti quelques jours avant une douleur à la poitrine, il est admis à l’hôpital Necker, où les douleurs reprennent. Les médecins diagnostiquent un infarctus, au moment où la pré-production du film Le Crocodile, est déjà très avancée. Victime d’un second infarctus, il reste plus de deux mois à l’hôpital. Il doit alors suivre un régime alimentaire adapté, sans boisson alcoolisée ou caféinée, et s’abstenir de consommer des plats énergétiques ce qui explique son amaigrissement, son vieillissement, son état diminué, visibles à partir de L’Aile ou la Cuisse (1976). Il doit ralentir son rythme de travail et renonce définitivement à sa carrière théâtrale, incompatible avec son état.
Sa carrière au cinéma est aussi compromise car, outre sa condition physique amoindrie, les risques de rechute font que les assureurs ne veulent plus prendre le risque de le couvrir pour un film. Déterminé, le producteur Christian Fechner réussit finalement à obtenir un accord pour une assurance d’onze semaines et prend le risque de produire L’Aile ou la Cuisse (1976) avec seulement une partie du tournage assurée. Pour le grand retour de Louis de Funès, Christian Fechner aurait souhaité donner le rôle principal, celui de son fils Gérard, au nouveau comique montant du cinéma français : Pierre Richard. Mais celui-ci revient sur son accord après avoir lu le scénario et c’est Coluche qui partagera l’affiche avec de Funès. Lorsque le film sort le , le public français plébiscite son retour presque six millions d’entrées.
« Je ne peux plus faire de la brutalité. Cette brutalité, cette colère est un produit que j’avais fabriqué pour un rôle et tous les metteurs en scène m’ont demandé ce produit. Désormais, ce comique ne m’intéresse plus. »
— Louis de Funès
Son médecin est toujours sur le plateau, ainsi qu’une ambulance devant les studios.
En 1980, le comédien réalise son vieux rêve d’adapter au cinéma une pièce de Molière et d’en réaliser une version à son image. Mais L’Avare (1980) présenté sur les écrans ne rencontre qu’un modeste succès auprès du public en 1964 déjà, il avait enregistré sur un disque 33 tours six textes de pièces de Molière, dont des extraits de L’Avare, et dix fables de Jean de La Fontaine. Dans cette même année 1980, il reçoit cependant un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, des mains de Jerry Lewis.
Plus tard, un de ses fils lui conseille de lire le roman de René Fallet La Soupe aux choux qui, selon lui, a le potentiel de « faire un bon film ». Une adaptation au cinéma est tournée en compagnie de Jean Carmet et de Jacques Villeret, qui connaît un beau succès au box-office (3 093 319 entrées).
Le Gendarme et les Gendarmettes (1982) est son dernier film. En décembre 1982, il part en famille quelques jours à la montagne, mais l’altitude le fatigue beaucoup, il doit retourner au Cellier. Dans la soirée du , il se couche très fatigué. En réalité victime d’un nouvel infarctus, il est emmené d’urgence en ambulance au Centre hospitalier universitaire de Nantes où il meurt à vingt heures trente. Tous les médias ont fait leur une sur ce qui est vécu comme un drame national.
Bien que les obsèques soient prévues « dans la stricte intimité », plus de 3 000 personnes sont présentes dans l’église Saint-Martin du Cellier, bondée, dont certains compagnons de jeu comme Jean Carmet ou Michel Galabru, mais également des personnalités comme Mme Giscard d’Estaing. Il est inhumé au cimetière du Cellier le .
Louis de Funès travaillait à cette époque sur le projet du film Papy fait de la résistance (1983), qui lui sera dédié. Il devait en effet en incarner le rôle de Ludwig Von Apfelstrudel, repris, après sa mort, par Jacques Villeret. De nombreux anciens partenaires, comme Jacqueline Maillan, Michel Galabru, Jacques Villeret, Jean-Claude Brialy, Jean Carmet, Jacques François et Julien Guiomar, font une apparition dans ce film.
Le , Louis de Funès épouse à Saint-Étienne sa première femme, Germaine Carroyer (Paris, – Clermont, ). Leur fils, Daniel, naît de cette union le (mort le ), mais le couple se sépare en août 1939, après 3 ans de mariage, le divorce n’est prononcé que le .
Pendant l’Occupation, il enchaîne les petits boulots (étalagiste, cireur et gratteur de parquets…). Bientôt, Louis se fait engager comme pianiste de bar et rencontre Eddie Barclay: « Louis de Funès, comme moi, ne déchiffrait pas la musique. Il avait de l’oreille. C’était un excellent musicien. Il ne parlait pas un jour d’être comédien. » Il joue dans un grand nombre d’établissements, enchaînant des soirées de douze heures, payé à la coupelle ou touchant un cachet de misère.
« Je l’ai rencontré en 1942 lorsqu’il était pianiste à la Madeleine. Dans un bistrot à Bagatelle, il tenait le piano à quatre mains. Lorsque ce dernier jouait seul, de Funès montait sur le piano et chantait. »
— Le cinéaste Georges Lautner se souvient.
Il se servira de cette capacité dans certains de ses films, tels que Pas de week-end pour notre amour (1950), La Rue sans loi (1950), Frou-Frou (1955), Le Corniaud (1965), La Grande Vadrouille (1966), Le Grand Restaurant (1966) ou encore L’Homme orchestre (1970).
Jeanne a souvent conseillé son mari dans le choix de ses films, négocié ses cachets, parfois discuté avec ses réalisateurs, créant des exaspérations. Sur le tournage de La Grande Vadrouille (1966), Bourvil serait intervenu pour lui interdire le plateau. C’est elle qui choisit Claude Gensac pour jouer à l’écran l’épouse de Louis de Funès. L’actrice avait dit à propos de Jeanne : « Je pense que seule sa femme pouvait le gérer et le calmer. Elle l’a beaucoup soutenu ». Néanmoins les treize dernières années de sa vie, il a entretenu une liaison régulière avec Macha Beranger.
« Dans sa vie privée, Louis de Funès n’était pas très drôle. Et ses compagnons de cinéma, acteurs, producteurs, ne l’aimaient pas beaucoup, mais il avait le public avec lui. De Funès était très timide et surtout très économe. Après une journée de tournage, il n’allait pas faire la fête avec les autres, il aimait cultiver ses roses et son potager ».
Louis de Funès était un fervent catholique. Plusieurs sources d’extrême droite lui ont prêté des idées royalistes et traditionalistes, à tort : l’acteur admirait le roi Louis XVI (et assistait à la messe annuelle commémorant son exécution), sans pour autant être royaliste. Quant à ses idées politiques, elles se rapprochaient plutôt du gaullisme. Avec Brigitte Bardot et Alain Delon, il fait partie des acteurs appelant à voter pour Valéry Giscard d’Estaing lors de l’élection présidentielle de 1981. Il participe notamment à un meeting du président sortant, pendant l’entre-deux tours, le 3 mai 1981, sous le chapiteau de la porte de Pantin.
Louis de Funès a su marier dans son jeu cinq formes comiques qui ont fait son succès :
Les capacités du comédien à mimer et à faire des grimaces sont les principaux aspects de son humour. Beaucoup de ses mimiques et grands gestes sont très proches des gags de dessins animés, c’est le cas notamment dans Oscar (1967), dans la fameuse scène de l’énorme crise de nerfs, quand par exemple il tire sur son nez comme si c’était un élastique et quand il le relâche il reçoit un coup en pleine figure, et on pourrait en citer bien d’autres de cette même séquence. Le mime est pour lui essentiel pour ponctuer ses mots : « Quand on décrit une forme de bouteille avec ses deux mains, expliquait-il en joignant le geste à la parole, la bouteille est là, on la voit. Elle flotte un instant dans l’espace, même quand le geste est terminé. » Il joue aussi beaucoup sur la répétition dans une scène de ses gestes ou paroles. De plus, le ressort de son humour est aussi capté dans le caractère excessif des sentiments et émotions qu’il exprime, que ce soit la peur ou le désespoir – feint ou réel – de son personnage. Il excelle en particulier dans l’expression de la colère : grognements, bruits de la bouche, gifles répétitives sur les autres personnages, grands gestes, etc. Ses rôles se prêtaient volontiers à ce jeu : ses personnages sont souvent hypocrites, antipathiques, sans être, la plupart du temps, méchants ou incapables de rédemption. De Funès disait que rien ne le faisait plus rire, dans la vie courante, qu’une personne en engueulant une autre, sans que cette dernière puisse répliquer. Il évitait les ressorts sentimentaux. Ainsi il n’a donné que trois baisers de cinéma de toute sa carrière : le premier dans le film le Dortoir des grandes (1953) d’Henri Decoin où il embrasse l’actrice Line Noro sur la bouche; le deuxième dans Comme un cheveu sur la soupe (1957) dans la scène finale où il demande à Noëlle Adam qui l’a embrassé sur la joue de l’embrasser sur la bouche ; enfin dans La Zizanie (1978), où de Funès et Annie Girardot se font un bref baiser.
Sa petite taille (1,64 m) contrastait avec celle de ses partenaires plus grands par exemple Bourvil avec 1,70 m, dans la moyenne nationale, et Yves Montand qui s’approchait des 1,85 m et ajoutait un autre élément comique au personnage.
Au début de sa carrière, Louis de Funès est comparé à Charlie Chaplin par des critiques du journal britannique The Times, qui le qualifient de « Chaplin français ».
On peut retenir parmi tous ces déguisements et caricatures : son déguisement en poète maniéré portant une perruque dans Le Grand Restaurant (1966), en femme voilée, en général et en Thierry la fronde dans Le Gendarme de Saint-Tropez (1964), en Chinois et en policier américain dans Le Gendarme à New York (1965), en marin, en buisson et en hippie dans Le Gendarme en balade (1970), en religieuse dans Le Gendarme et les Extra-terrestres (1979), en gendarmette dans Le Gendarme et les Gendarmettes (1982), en pirate, en évêque et en colonel de l’armée italienne dans Fantômas se déchaîne (1965), en Écossais portant le kilt et en fantôme dans Fantômas contre Scotland Yard (1967), en marinier belge dans Les Grandes Vacances (1967), en kayakiste dans Le Petit Baigneur (1968) sans oublier les costumes de la Belle Époque dans Hibernatus (1969), en mécanicien dans Le Corniaud (1965), en soldat allemand au casque trop grand dans La Grande Vadrouille (1966), en Grand d’Espagne et en dame de la cour dans La Folie des grandeurs (1971), en rabbin hassidique dans Les Aventures de Rabbi Jacob (1973), en vieille femme, en Américain et en chauffeur dans L’Aile ou la Cuisse (1976), en Harpagon dans L’Avare (1980) avec sa coiffe et sa queue en plumes de paon mais on retiendra avant tout son déguisement de gendarme dans la série du Gendarme.
Le talent du comédien fonctionnait bien dans le cadre de duos réguliers ou occasionnels avec des acteurs très divers. Claude Gensac, connue pour le surnom que Cruchot lui donne dans la série des Gendarmes : « Ma biche », fut la complice féminine des personnages de de Funès ; elle a souvent joué sa femme à l’écran, à tel point que beaucoup de Français croyaient (et croient encore) que Claude Gensac était aussi sa femme dans la vie. Elle a en fait joué avec lui dans onze films répartis sur une période de trente ans. Ils font connaissance au début de l’année 1952 lorsqu’elle est encore fiancée à Pierre Mondy, le partenaire de de Funès dans la pièce La Puce à l’oreille. Lors de leur première rencontre effective au cinéma dans La Vie d’un honnête homme (1953), un mois après leur confrontation théâtrale dans Sans cérémonie), et alors qu’ils forment un duo de serviteurs, elle apparaît à demi-dénudée sous la main baladeuse de Michel Simon.
L’acteur a aussi beaucoup joué avec Michel Galabru, son supérieur dans la série des Gendarmes, en lui servant de faire-valoir burlesque. Plusieurs scènes de La Folie des grandeurs (1971) sont restées célèbres, comme le réveil avec les rimes en « or » ou le nettoyage des oreilles, et font tout de suite penser à Yves Montand. Louis de Funès a aussi joué de célèbres scènes avec Coluche dans L’Aile ou la Cuisse (1976). Mais son duo le plus marquant est celui formé avec Bourvil dans Le Corniaud (1965) et surtout dans La Grande Vadrouille (1966).
Outre les acteurs, Louis de Funès a régulièrement collaboré avec les mêmes réalisateurs et scénaristes, et particulièrement Jean Girault, qui le laissait libre dans son jeu et dans ses improvisations. Les deux hommes ont travaillé sur douze films : Pouic-Pouic, Faites sauter la banque !, la série des Gendarmes, Les Grandes Vacances, Jo, L’Avare et La Soupe aux choux. Ils ont même réalisé L’Avare ensemble. À part ce film et La Soupe aux choux, les films réalisés par Jean Girault ont été écrits avec Jacques Vilfrid. L’acteur a également collaboré à quatre reprises avec Gérard Oury, qui lui a offert ses plus grands succès : Le Corniaud, La Grande Vadrouille, La Folie des grandeurs et Les Aventures de Rabbi Jacob. Une cinquième collaboration a même été envisagée : Le Crocodile. Mais le double infarctus de Louis de Funès a fait tomber le projet à l’eau. Jean Halain est l’auteur de nombreux scénarios de films mettant en vedette Louis de Funès : la trilogie des Fantômas, Le Grand Restaurant, Oscar, Hibernatus, L’Homme orchestre, Sur un arbre perché et L’Avare. L’acteur a également prononcé les mots de Michel Audiard dans Les dents longues, Le Gentleman d’Epsom, Des pissenlits par la racine, Une souris chez les hommes et Les Bons Vivants.
Selon Colette Brosset, Louis de Funès avait « la musique et la danse dans la peau ». Sa capacité à assimiler et à servir une chorégraphie était étonnante. Ses arabesques font merveille dans les films comme Ah ! les belles bacchantes (1954), Le Grand Restaurant (1966), L’Homme orchestre (1970) ou Les Aventures de Rabbi Jacob (1973). Perfectionniste, il indiquera par rapport à sa célèbre prestation de danse hassidique :
« Il faut que je danse aussi bien que les danseurs juifs. L’effet comique ne vient pas du ridicule, au contraire ! »
— Louis de Funès
Ses talents de pianiste apparaissent également dans les films suivants : Comme un cheveu sur la soupe (1957) de Maurice Regamey, Je n’aime que toi (1949), de Pierre Montazel, Frou-Frou (1955), d’Augusto Genina, ou encore Ah ! les belles bacchantes, de Jean Loubignac (avec Francis Blanche au chant, dans Chanter sous le soleil, des célèbres Bouvart et Ratinet). Travailleur acharné, par respect pour les artistes professionnels, il préfère éviter paradoxalement le piano loisirs.
Louis de Funès est l’acteur français ayant attiré le plus grand nombre de spectateurs dans les salles : environ 273 millions entre 1947 et 1982.
Entre 1964 et 1979, huit de ses films sont no 1 au box-office français (en 1964, 1965, 1966, 1967, 1968, 1970, 1973 et 1979). Ce sont les années de la consécration :
À ce jour, La Grande Vadrouille est no 3 au box-office général des films français, et c’est le 5ème film ayant cumulé le plus d’entrées en France dans l’histoire du cinéma, derrière Titanic (1998) de James Cameron, Bienvenue chez les Ch’tis (2008) de Dany Boon, Intouchables (2011) d’Olivier Nakache et Éric Toledano, et Blanche-Neige et les Sept Nains (1938) de Walt Disney.
En mars 2015, un sondage BVA pour Doméo et la Presse régionale classe Louis de Funès comme acteur préféré des Français avec 24,80%.
Outre la France, les films de Louis de Funès ont connu une grande popularité dans divers pays européens, comme l’Italie, le Royaume-Uni et l’Allemagne, mais également l’URSS et sa zone d’influence d’Europe de l’Est. Il est ainsi particulièrement célèbre en République tchèque, où il fut doublé au début des années 1960 par le célèbre acteur tchèque František Filipovský, dont de Funès déclara à son sujet qu’il fut son meilleur doubleur, certains fans tchèques n’hésitant pas à préférer sa voix à l’original. Encore aujourd’hui, la série des Gendarme de Saint-Tropez reste populaire pour les Tchèques.
Malgré son succès européen, de Funès reste relativement inconnu aux États-Unis jusqu’en 1973-1974 et ses fameuses Aventures de Rabbi Jacob, nommées pour un Golden Globe du meilleur film étranger en 1975.
Louis de Funès, comparé aux autres artistes de son époque et au nombre de films qu’il a tournés, n’a pas reçu un nombre très important de récompenses.
Dix ans après la mort de Louis de Funès, lors des Césars 1993, Gérard Oury reçoit un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, au nom du « cinéma comique français », et offre la récompense à Jeanne de Funès, en hommage à son époux.
D’autre part, le 7 décembre 1967, il est reçu par le général de Gaulle au palais de l’Élysée pour un dîner officiel, en compagnie de son épouse et d’autres grandes personnalités de la culture.
Ainsi, on peut observer ses traits dans l’album de Lucky Luke intitulé Le Bandit manchot où un personnage inspiré de lui est l’un des joueurs de cartes professionnels de Poker Gulch, une ville placée sous le signe du jeu. Il est affublé d’un subalterne, un petit malfrat du nom de Double-six, inspiré de l’acteur Patrick Préjean.
Dans un autre genre, Valère Novarina a publié aux éditions Actes Sud en 1986 un éloge, Pour Louis de Funès : « Il n’était pas de bon ton de l’apprécier. Ce n’était pas assez chic. Alors que c’était un très grand acteur de théâtre. J’ai fait parler Louis de Funès comme quelqu’un d’autre a fait parler Zarathoustra ». Ce texte sur Louis de Funès a donné lieu à plusieurs versions pour la scène, notamment celle créée au Théâtre d’Angoulême par Dominique Pinon le 4 décembre 1998, dans une mise en scène de Renaud Cojo. De son côté, Marcel Gotlib utilisera sa plume agile dans le tome III de sa Rubrique-à-brac où il affuble de Funès d’une perruque, pour y supplanter Bourvil dans Le Rectangle vert, librement inspiré du Cercle rouge (1970) de Jean-Pierre Melville après l’avoir déjà croqué dans le tome I en tant qu’agent de police où il met fin à une bagarre survenue entre deux marionettistes en pleine représentation.
Plus récemment, dans les années 2000, Alexandre Astier, véritable admirateur, lui dédiera sa série télévisée Kaamelott. On peut d’ailleurs entendre dans la scène finale du dernier épisode de la série, Dies Irae, le thème principal de Jo (1971) pendant que la phrase de dédicace apparaît à l’écran.
En 2013, le journal Télérama lui consacre un numéro spécial hors-série.
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Comédie
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