Tim Burton est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma américain, né le à Burbank (Californie).
Adepte du fantastique et influencé par Edgar Allan Poe, il est largement reconnu comme étant bon conteur et graphiste. Il est révélé au grand public en signant la mise en scène de Beetlejuice (1988), Batman (1989), Edward aux mains d’argent (1990) et Batman : Le Défi (1992).
Par la suite, il entame un cycle plus expérimental, en signant le biopic Ed Wood (1994), la satire Mars Attacks! (1996) puis le remake La Planète des singes (2001), un échec critique.
Il opère cependant un retour au sommet avec le succès Big Fish (2003). Par la suite, il collabore avec les studios Disney, pour qui il réalise, Alice au pays des merveilles (2010) (sa plus grande réussite commerciale et un des succès commerciaux majeurs de l’histoire du cinéma) et Dumbo (2019).
Parallèlement, il réalise plusieurs adaptations dans un style plus gothique : la comédie musicale Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street (2007) puis les contes Dark Shadows (2012) et Miss Peregrine et les Enfants particuliers (2016).
Ses acteurs fétiches sont Johnny Depp, qu’il dirige à huit reprises et Helena Bonham Carter, son ex-compagne et mère de ses deux enfants. Depuis 2012, Eva Green semble avoir remplacé cette dernière.
Tim Burton produit et rédige également le scénario de L’Étrange Noël de monsieur Jack (1993), réalisé par Henry Selick, puis finance et coréalise Les Noces funèbres (2005) et enfin coécrit, produit et met en scène Frankenweenie (2012), trois films d’animation utilisant la technique de l’animation en volume et des marionnettes qui évoluent dans des décors réels.
Son cinéma se caractérise par un défilé de monstres et de créatures et un mélange d’humour noir, d’ironie et de macabre. Restant fidèle à son style, le cinéaste explore plusieurs genres qu’il enchevêtre par moments: film d’épouvante, drame intimiste, conte, mélodrame, biographie filmée, film de science-fiction, comédie, film d’époque, comédie musicale ou encore film d’action. Ses histoires mettent en scène des personnages marginaux ou des êtres hors-normes, face à la médiocrité du monde. On y décèle une grande influence du cinéma fantastique, du cinéma expressionniste allemand ainsi que des films de la Hammer Productions, à la fois pastichés et célébrés.
Tim Burton fait partie des cinéastes qui parviennent à concilier succès critique et commercial. Il a été décoré de l’insigne de chevalier et d’officier de l’ordre national des Arts et des Lettres par Frédéric Mitterrand en mars 2010 et fut le président du jury du 63ème Festival de Cannes. Le MoMA de New York et la Cinémathèque française à Paris ont consacré une grande exposition à son œuvre plastique et cinématographique, respectivement en 2009 et 2012. Tim Burton a également été le sujet de plusieurs biographies illustrées, notamment Tim Burton d’Antoine de Baecque (2006) et Burton par Burton de Mark Salisbury (2000).
Aîné des deux fils de Jean et Bill Burton, Timothy Walter Burton passe l’essentiel de son enfance en solitaire, se considérant lui-même comme un introverti. Son père travaille dans un parc de loisirs, et sa mère dans une boutique d’objets en liaison avec les chats. Au soleil de la Californie, dans sa ville natale de Burbank, qu’il définit comme l’antichambre d’Hollywood, il préfère les salles obscures des cinémas où il voit et revoit les films de monstres comme Godzilla, Frankenstein et ses nombreuses suites, les films de Hammer Film Productions, et surtout ceux avec Vincent Price: Il s’amuse à terroriser l’enfant de ses voisins en lui faisant croire que les extraterrestres se préparent à envahir la planète. Il manifeste très tôt un goût pour le cinéma en rendant de petits films, en guise de devoirs, à ses professeurs. Très doué pour le dessin, il gagne un concours organisé pour décorer les camions de la ville.
Après le secondaire, c’est naturellement vers l’animation que Burton se tourne en intégrant la California Institute of Arts, après avoir décroché une bourse d’études en 1976. En 1979, son film d’animation de fin d’année, intitulé L’attaque du céleri monstrueux, lui permet d’être remarqué, et embauché, par les studios Disney, dont le siège est à Burbank. Il travaille sur les concepts de Taram et le Chaudron magique (1985). Il dit à ce propos: « Cela peut paraître stupide, mais je suis arrivé à une époque où le studio était en crise. Les dirigeants cherchaient à tout prix du personnel. ». Le studio est divisé entre ceux qui ont connu Walt Disney, et veulent poursuivre dans le sillage qu’il a tracé, et ceux qui veulent actualiser la direction artistique du studio. Il travaille aussi sur Rox et Rouky (1979): « Ce n’est pas un très bon souvenir. Leur vision du dessin n’était pas la mienne. Je me sentais enfermé dans un schéma qui ne cadrait pas avec ce que j’étais. Mais grâce à eux j’ai pu travailler en parallèle sur mes premiers courts métrages ». Il écrit aussi un poème qui, dix ans plus tard, sera la base du scénario de L’Étrange Noël de monsieur Jack (1993).
En 1982, Burton reçoit 60 000 USD pour réaliser, à partir du scénario qu’il a rédigé, Vincent. Julie Hickson, Exécutif chez Disney, et Tom Wilhite, responsable du Développement Créatif, sont persuadés du potentiel créatif du jeune homme. Cerise sur le gâteau, Vincent Price, son idole, est le narrateur de ce petit dessin animé. Rick Heinrichs, collègue de travail et spécialiste de l’animation, travaille sur le projet. Il participera à presque tous les futurs films de Burton. Il est projeté au festival du film d’animation d’Annecy, en 1983, dont il remporte le prix de la Critique. Il tourne également dans les festivals de Londres, Seattle et Chicago, où il remporte deux prix. Il sort en avant-programme de Tex (1982), film pour adolescents de Disney, et en avant-programme de L’Étrange Noël de monsieur Jack (1993) dix ans plus tard. La noirceur de ce court métrage effrayent les dirigeants, qui décident de le retirer au bout de deux semaines de projection, et le mettent au placard. Néanmoins, ils reconnaissent à Burton un certain talent. Aussi, il est choisi pour mettre en scène une version asiatique d’Hansel et Gretel, le conte des frères Grimm, doté d’un budget de 166 000 dollars. Ce téléfilm réalisé pour Disney Channel est la première expérience de Tim Burton avec des acteurs, qu’il qualifie d’amateurisme riche en enseignements.
En 1984, il met en scène court métrage un peu plus long, avec des acteurs et des décors réels : Frankenweenie (1984). D’une durée de trente minutes, le coût s’élève à un million de dollars de l’époque. Il s’inspire de son enfance à Burbank avec les caniches à chevelure immense, lui faisant penser à Mae Clarke dans son rôle d’Elizabeth Frankenstein, et des golfs miniatures avec des moulins à vent. La Commission de Classification des Films d’Amérique recommande un accompagnement parental aux enfants de moins de douze ans, et les décideurs de Disney reviennent sur leur décision d’ajouter Frankenweenie, en avant-programme de la réédition de Pinocchio (1940). Il décide de quitter les studios Disney.
De 1985 à 1988, Tim Burton ne se voit proposer que des scénarios qu’il qualifie de comédies débiles, et qu’il attribue à l’opinion des scénaristes et producteurs pour Pee-Wee Big Adventure (1985). En 1988, il est désigné pour réaliser Beetlejuice, personnage qu’il a lui-même imaginé, avec un budget de treize millions de dollars, dont un affecté aux effets spéciaux. Michael McDowell, rencontré sur le tournage de The Jar, co-écrit le scénario, et le décrit comme un film optimiste sur la mort. Tim Burton se sent libre avec ce scénario sans structure, ni fin heureuse ou romantique. Avec ce film, qui est, selon ses propres mots, une version parodique de L’Exorciste (1973), il pose un peu plus les bases de son univers macabre, poétique, carnavalesque et comique. De nombreux gags, ainsi que le maquillage de Beetlejuice, sont créés avec Michael Keaton. Bo Welch est engagé en tant que directeur artistique. Emmené par l’interprétation déjantée de Michael Keaton, le film est un succès commercial, récoltant soixante-treize millions de dollars aux États-Unis seulement. Il reçoit également un Oscar pour le maquillage.
Son choix de prendre Jack Nicholson pour incarner le Joker est favorablement accueilli, mais celui de Michael Keaton pour interpréter le justicier masqué est contesté. La Warner est inondée de plus de cinquante mille lettres de protestations. Le costume en tissu bleu de la série devient noir, avec une fausse musculature. De plus, le cinéaste s’inspire de The dark knight returns, de Frank Miller, sorti en 1986, pour créer un univers visuel assez noir pour illustrer la part sombre du héros et le thème du double. Les décors se veulent assez proches de l’expressionnisme allemand et du cinéma de Fritz Lang. Il veut effectuer un retour aux sources qui prête à discussion, voire à polémique chez certains fans, à tel point que le Wall Street Journal en fait sa Une. Mais le cinéaste, soutenu par ses principaux acteurs, ainsi que par les responsables de la Warner, ne veut rien lâcher. Bob Kane, créateur de Batman, déclare à Tim Burton être surpris par certains de ses choix artistiques, mais dans l’ensemble satisfait. Vincent Price, avec qui il est en contact depuis Vincent (1982), lui écrit pour lui témoigner son soutien. La polémique commence à baisser lors de la sortie de la bande-annonce dans les salles: de nombreuses personnes remplissent les salles pour la voir, puis s’en vont sans regarder le film pour lequel ils ont acheté un ticket. Le film rapporte cinq cent millions de dollars à l’échelle mondiale, gagne l’Oscar de la meilleure direction artistique, et devient un phénomène de mode à travers les produits dérivés. Burton a désormais les coudées franches, mais le tournage l’a moralement vidé. Il souhaite revenir à un film plus intimiste. Ce sera Edward aux mains d’argent (1990).
En 1992, il accepte de réaliser le deuxième volet des aventures de Batman. Cette fois-ci, le justicier masqué est confronté à Catwoman et au Pingouin, joués respectivement par Michelle Pfeiffer et Danny DeVito. Les dirigeants de la Warner, qui ont regretté d’avoir refusé Edward aux mains d’argent (1990) au vu de son succès, donnent une entière liberté artistique à Burton qui place le tournage à Burbank, sa ville natale. Le cinéaste délaisse alors le personnage de Batman, exploré dans le premier épisode, pour s’intéresser à la personnalité des méchants. Encore plus noir, macabre et torturé que le premier, ce nouvel opus qui prend des allures de conte gothique et de carnaval inquiétant pose encore une fois problème, car la production reçoit de nouvelles lettres de protestations, non pas des fans mais des parents qui jugent le film trop effrayant pour leurs enfants. Néanmoins, le film triomphe au box-office. En outre, il traduit l’influence du cinéma expressionniste sur Burton, et plus particulièrement Friedrich Wilhelm Murnau et son Nosferatu. Marque indiscutable de cette parenté, Christopher Walken incarne un homme d’affaires véreux appelé Max Schreck, le nom de l’interprète du vampire dans le film de Murnau.
En 1994, Burton met en scène Ed Wood, récit de la vie farfelue d’Edward Davis Wood Junior, réalisateur affublé de façon posthume du titre de « plus mauvais réalisateur de tous les temps ». Il sollicite Johnny Depp pour incarner un nouvel Edward qui, comme le précédent, entretient de nombreuses connexions avec son univers et sa vie. Avec cependant une nuance de taille : Burton est adulé alors que Wood fut dénigré. La relation entre Lugosi et Wood est un miroir de celle entre Price et Burton. Le scénario se concentre sur la période « fastueuse » d’Edward Wood. On le voit mettre en scène, non sans mal, trois films dont le légendaire Plan 9 from Outer Space (1959). Pour la circonstance, Ed Wood s’entoure de nombreux acteurs passés ou méprisés comme Bela Lugosi, la présentatrice de films d’horreur Vampira et le lutteur Tor Johnson. Tim Burton choisit de tourner son film en noir et blanc car celui-ci est associé aux films d’Edward Wood, et raconte les nombreuses péripéties de toute cette troupe dans leur parcours cinématographique digne d’un film hollywoodien, mais précisément l’inverse du «rêve américain» cher à Hollywood qui préfère les histoires à succès. Tous ces choix expliquent probablement l’échec commercial du film, malgré un important travail. En effet, Burton retourne certaines séquences, à l’identique, des films de Wood avec une précision d’orfèvre. De plus, il offre deux cadeaux à Ed Wood : la rencontre avec Orson Welles (qui n’eut jamais lieu), et une première triomphale pour Plan 9 from Outer Space. Howard Shore compose la musique en lieu et place d’Elfman. Le film remporte deux Oscars : Martin Landau décroche la statuette du meilleur second rôle pour son interprétation de Bela Lugosi et Rick Baker celle du maquillage, mais le film ne s’inscrit pas au box-office. Sélectionné au Festival de Cannes 1995, Tim Burton repart bredouille, et connaît son premier échec commercial.
Son nouveau projet est Mars Attacks! (1996). Jonathan Gems, collaborateur de Burton depuis Batman, également scénariste et auteur de pièces de théâtre, rédige un scénario basé sur le jeu de cartes Topps représentant des martiens et des dinosaures. Burton donne volontairement à son film un aspect ringard, dans le style des films de science-fiction à petit budget des années 1950. Il s’inspire du travail de Ray Harryhausen, concepteur des effets spéciaux sur de nombreux films, parmi lesquels Les soucoupes volantes attaquent (1956) et Jason et les Argonautes (1963), dont le cinéaste n’a jamais caché l’influence. Très éloigné du style gothique, expressionniste ou même coloré (Pee-Wee Big Adventure (1985), Beetlejuice (1988)) qu’on lui connaît, la griffe de Burton se reconnaît à son humour. Ce sont des enfants qui sauvent la planète des envahisseurs pendant que le président fait face à des journalistes qui se demandent si les martiens ont un sexe. C’est une version surprenante de La Guerre des mondes de H. G. Wells. Malgré une pléiade de stars, le film n’emballe ni la critique, ni le public qui lui préfère Independence Day (1996), film traitant du même sujet mais sur un ton plus dramatique, et à grands coups d’effets spéciaux. Malgré tout, le film est un succès en France, où la campagne de promotion insiste sur le second degré du film.
En 1997, il fait partie du jury du 50ème Festival de Cannes, présidé par Isabelle Adjani. La même année, Tim Burton écrit un petit recueil de poèmes, La Triste Fin du petit enfant huître et autres histoires (The Melancholy Death of Oyster Boy & Other Stories), qu’il illustre lui-même.
On lui propose de réaliser un nouvel épisode de Superman, avec Nicolas Cage dans le rôle principal, plus axé sur la psyché du personnage. Burton accepte mais après un an de travail, le projet nommé Superman Lives est interrompu au printemps 1998. Sa seule consolation est la publication de La Triste Fin du petit enfant huître et autres histoires, son recueil de dessins et de poèmes. Il se voit également proposer de nombreux projets parmi lesquels une nouvelle adaptation de la nouvelle d’Edgar Allan Poe, La Chute de la maison Usher, et Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street, la comédie musicale de Stephen Sondheim. Ce dernier projet va mettre dix ans à aboutir.
Il se retrouve pleinement dans le scénario de Sleepy Hollow (1999): ambiance sombre et gothique, cadavres décapités en série, humour noir, démon sans tête… Kevin Yagher, responsable des effets spéciaux de la série Les Contes de la crypte, s’associe avec Andrew Kevin Walker, auteur du scénario de Seven (1995), pour adapter la nouvelle éponyme de Washington Irving. Le tournage se déroule en Angleterre, et plusieurs collaborateurs de Batman sont sollicités. Toujours peu enclin aux effets spéciaux numériques, qui sont limités au strict minimum pour un film de ce genre, Burton concentre toute l’attention de son équipe artistique sur les décors, allant jusqu’à réaliser lui-même certains arbres de la forêt. Appuyé par Johnny Depp, Christina Ricci, Michael Gough, Christopher Lee et Christopher Walken dans le rôle du cavalier sans tête, le cinéaste renoue avec le succès critique et commercial, malgré la classification R (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés d’un adulte) aux États-Unis. Il déclare à ce propos: « en tournant Sleepy Hollow, j’ai pensé à mes réactions de spectateur enfant : je détestais que l’on me ménage, je voulais être confronté aux images, si dures soient-elles. Je me souviens de mes cris lorsque j’ai vu Le Masque du démon (1960) de Mario Bava. Crier était pourtant une des manières les plus rassurantes d’avoir peur puisque le film était une fantaisie ». Elfman compose pour l’occasion une musique sombre et torturée. Sorti en 1999, le film est un grand succès international récompensé par l’Oscar de la meilleure direction artistique. Il est un récapitulatif de l’œuvre de Burton : citrouille, humour noir, ambiance gothique, moulin en feu, légende médiévale démoniaque… Par ce film, Burton paye par ailleurs sa dette à Mario Bava, maître du giallo italien.
Le XXIème siècle s’ouvre de manière ambivalente pour Tim Burton. Le succès de Sleepy Hollow (1999), cependant très loin de ses premiers films, lui permet de retrouver le final cut, autrement dit le montage final, perdu après Ed Wood (1994). Néanmoins, Burton n’est toujours pas en position de force. En 2001, il accepte de réaliser un remake de La Planète des singes (2001). Pendant le tournage, il se sépare de l’actrice Lisa Marie avec laquelle il s’était fiancé huit ans plus tôt, et rencontre Helena Bonham Carter qui va devenir sa compagne. Le film obtient de bons résultats, atteignant les cent soixante-treize millions de dollars de bénéfices sur le sol américain. Sur le plan familial, il perd son père en 2000, puis sa mère deux ans plus tard. Le studio Columbia le contacte pour mettre en scène Big Fish (2003). Entre-temps, sa compagne lui a donné un fils. L’histoire de Big Fish est celle d’un homme qui va devenir père mais qui va également perdre le sien dans un scénario faisant l’éloge de l’imaginaire face à la platitude du monde réel ; Tim Burton ne peut que se retrouver dans cette histoire dont les événements sont très synchrones avec sa vie. Ewan McGregor tient le premier rôle. Le style du cinéaste change d’orientation, mais sa griffe est visible: sorcière, loup-garou, géant, nains.
Il concrétise en 2005 un projet vieux de plus de quinze ans : mettre en scène le chef-d’œuvre de Roald Dahl, Charlie et la Chocolaterie (2005). Pour la quatrième fois, Johnny Depp est en tête de la distribution. Il campe un Willy Wonka complètement survolté, rappelant le démon Beetlejuice, et dont l’apparence ressemble, à certains égards, au personnage Alex d’Orange mécanique (1971) de Stanley Kubrick. Ce dernier est cité avec la scène de la barre chocolatée télévisuelle : le film dans lequel la barre est projetée est 2001, l’Odyssée de l’espace (1968). Le cinéaste s’installe, pour la deuxième fois, aux Pinewood Studios dont il utilise presque tous les plateaux. À titre d’anecdote, cent vingt mille litres d’un mélange couleur chocolat sont fournis par Nestlé. Danny Elfman signe la musique et prête sa voix pour le chœur des Oompas-Loompas. Si l’esthétique gothique habituelle fait place à un univers plus coloré, il n’en reste pas moins que la poésie propre à Burton demeure : le plan final avec la maison des Bucket saupoudrée d’une neige de sucre par des sucriers géants.
De Vincent (1982) à Ed Wood (1994), Tim Burton s’est fait le chantre des marginaux, des solitaires, des prétendus monstres renfermant des trésors de gentillesse. Avec Mars Attacks! (1996), il passe à tout un groupe Sleepy Hollow (1999) marque un nouveau cycle: celui de la famille Big Fish (2003), Charlie et la Chocolaterie (2005) et Les Noces funèbres (2005) poursuivent dans cette voie. L’enfant solitaire, prétendu anormal, a probablement réglé ses comptes et pense maintenant à fonder une famille.
Il retrouve la veine gothique et macabre de Sleepy Hollow (1999) avec Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street (2007), sorti en janvier 2008 sur les écrans français. Il s’agit d’une adaptation de la comédie musicale de Stephen Sondheim, mise en scène en 1979, dans laquelle le barbier est présenté comme une victime de la société. Tim Burton sollicite Johnny Depp pour le rôle du barbier, et son épouse Helena Bonham Carter pour incarner Mrs Lovett, la vendeuse de tourtes à la viande. Alan Rickman, interprète de Severus Rogue dans les films de la saga Harry Potter, incarne le corrompu juge Turpin dont Sweeney Todd veut se venger. Tim Burton est épaulé par une équipe de techniciens d’expérience: Dariusz Wolski, directeur de la photographie de la trilogie des Pirates des Caraïbes; Dante Ferretti, chef décorateur de nombreux films de Federico Fellini et Martin Scorsese et lauréat de l’Oscar 2004 des meilleurs décors pour Aviator (2004); Colleen Atwood, dessinatrice principale des costumes de Mémoires d’une geisha (2005) et Chicago (2002) qui lui ont valu tous deux un Oscar; et Peter Owen, responsable du maquillage et de la coiffure sur la trilogie Le Seigneur des anneaux et oscarisé pour le premier volet. Le film obtient le succès auprès de la critique mais reçoit un accueil mitigé de la part du public. Il vaut par ailleurs à Ferretti un deuxième Oscar pour sa direction artistique.
Burton renoue ensuite avec Disney pour réaliser une nouvelle adaptation d’Alice au pays des merveilles. Dans ce film, qui est en fait la suite du livre de Lewis Carroll, Alice a 19 ans et est interprétée par Mia Wasikowska. Johnny Depp incarne le Chapelier fou et Helena Bonham Carter la Reine Rouge. Même si le réalisateur est habituellement attaché aux techniques de tournage plus traditionnelles, le film a recours à de nombreux effets numériques, est presque entièrement tourné sur fond vert et est converti en 3D. Sorti aux États-Unis au mois de mars 2010, le film, malgré des critiques très mitigées, totalise plus de 116 000 000 $ lors de son week-end d’ouverture. Au total, il rapporte plus d’un milliard de dollars dans le monde, et réalise 4 513 907 entrées en France. C’est, en 2012, le plus gros succès de Burton et le 12ème film le plus lucratif de l’histoire. Peu après la sortie du film, le cinéaste préside le jury du 63ème Festival de Cannes qui attribue la Palme d’or à Oncle Boonmee (2010) du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul.
Le film suivant de Burton est Big Eyes, qui sort en 2014. Il raconte les démêlés entre Margaret et Walter Keane concernant l’attribution des portraits d’enfants aux grands yeux qui les ont rendus célèbres. C’est pour le réalisateur un retour au film biographique vingt ans après Ed Wood (1994).
À la fin de 2014, Burton se sépare de l’actrice Helena Bonham Carter après treize ans de vie commune, d’après une information communiquée à l’AFP par un porte-parole de l’actrice, le 23 décembre 2014.
Tim Burton débute en février 2015 le tournage de son nouveau film Miss Peregrine et les Enfants particuliers (2016). On retrouve notamment dans cette adaptation de roman du même nom de Ransom Riggs, Eva Green, Samuel L. Jackson, Judi Dench, Terence Stamp, Rupert Everett et Asa Butterfield, qui tiendra le rôle principal. Le tournage a lieu notamment à la villa Nottebohm à Brasschaat, près d’Anvers en Belgique, à Blackpool, dans les Cornouailles et à Sun City, en Floride.
Il a ensuite enchainé avec une adaptation de Dumbo (1941) en prises de vues réelles de Dumbo, sorti en 2019, pour Walt Disney Pictures.
Il est l’un des rares réalisateurs américains à concilier de gros chiffres au box-office avec un univers et un style très personnels et une ambition artistique certaine, par ses histoires enchantées, dans lesquelles il travaille énormément les couleurs (décors et costumes). Il est aussi un des derniers grands réalisateurs à utiliser la méthode artisanale de l’animation comme dans L’Étrange Noël de Monsieur Jack – qu’il n’a pas réalisé, contrairement à une croyance commune bien ancrée, mais qu’il a étroitement supervisé – ou dans Les Noces funèbres.
Antoine de Baecque dans L’histoire-caméra note que l’œuvre de Burton est régulièrement analysée comme d’inspiration gothique. Il retrouve le studio Disney et réalise une œuvre de commande: Alice au pays des merveilles (2010), suite en prise de vue réelle du dessin animé des années 1950. En dépit d’un accueil critique globalement défavorable, le film est un succès public mondial, couronné par deux Oscars en 2011: meilleurs décors pour Robert Stromberg et Karen O’Hara et meilleurs costumes pour Colleen Atwood.
Le scénario de L’Étrange Noël de monsieur Jack (1993) a été rédigé à partir d’un poème d’Edgar Allan Poe. Cela renforce un peu plus le parallèle entre Burton et Poe, l’œuvre la plus célèbre de ce dernier étant un poème: Le Corbeau, dont Tim Burton s’inspire pour son court-métrage Vincent (1982). De plus, les poèmes de Poe et de Burton servent à chaque fois de base à l’élaboration des scénarios respectifs qui, certes respectent l’esprit des auteurs, mais entraînent l’histoire dans une nouvelle direction. Le poème original de Poe est transformé en un véritable feu d’artifice visuel et burlesque entre Price, Karloff et Lorre dans l’adaptation de Roger Corman, tandis que celui de Burton devient une comédie musicale mélancolique et macabre.
Tim Burton a travaillé fréquemment (au moins à trois reprises) avec plusieurs acteurs: Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Michael Gough, Christopher Lee, Michael Keaton, Lisa Marie, Deep Roy, Danny DeVito, Jeffrey Jones, Martin Landau, Catherine O’Hara, Paul Reubens, Winona Ryder, Eva Green et Glenn Shadix.
De l’autre côté de la caméra, ses collaborateurs les plus réguliers sont le compositeur Danny Elfman, le monteur Chris Lebenzon, la costumière Colleen Atwood et le chef décorateur Rick Heinrichs.