Charles Spencer Chaplin, dit Charlie Chaplin, né le à Walworth, Londres (Royaume-Uni) et mort le à Corsier-sur-Vevey (Suisse), est un acteur, réalisateur, scénariste, producteur et compositeur britannique qui devint une idole du cinéma muet grâce à son personnage de Charlot. Durant une carrière longue de 65 ans, il joua dans plus de 80 films, et sa vie publique et privée a fait l’objet d’adulation comme de controverses.
Né peut-être à Londres, Chaplin grandit dans la misère entre un père absent et une mère en grandes difficultés financières, tous deux artistes de music-hall, qui se séparèrent deux ans après sa naissance. Plus tard, sa mère fut internée à l’hôpital psychiatrique alors que son fils avait quatorze ans. À l’âge de cinq ans, il fait sa première apparition sur scène. Il commence très tôt à se produire dans des music-halls et devient rapidement acteur. À 19 ans, il est remarqué par l’imprésario Fred Karno et réalise une tournée aux États-Unis. Il joue au cinéma pour la première fois en 1914 dans le film Pour gagner sa vie et travaille avec les sociétés de production Essanay, Mutual et First National. En 1918, il était devenu l’une des personnalités les plus connues au monde.
En 1919, Chaplin cofonde la société United Artists et obtient ainsi le contrôle total sur ses œuvres. Parmi ses premiers longs-métrages figurent Charlot soldat (1918), Le Kid (1921), L’Opinion publique (1923), La Ruée vers l’or (1925) et Le Cirque (1928). Il refuse de passer au cinéma sonore et continue de produire des films muets dans les années 1930, comme Les Lumières de la ville (1931) et Les Temps modernes (1936). Ses œuvres devinrent ensuite plus politiques, avec notamment Le Dictateur (1940), dans lequel il se moquait d’Hitler et de Mussolini. Sa popularité décline dans les années 1940 en raison de controverses au sujet de ses liaisons avec des femmes bien plus jeunes que lui et d’un procès en reconnaissance de paternité. Chaplin fut également accusé de sympathies communistes et les enquêtes du FBI et du Congrès lui firent perdre son visa américain. Il choisit de s’établir en Suisse en 1952. Il abandonna son personnage de Charlot dans ses derniers films, dont Monsieur Verdoux (1947), Les Feux de la rampe (1952), Un roi à New York (1957) et La Comtesse de Hong-Kong (1967).
Chaplin écrivit, réalisa, produisit, composa la musique et joua dans la plupart de ses films. Il était perfectionniste et son indépendance financière lui permit de consacrer des années au développement de ses œuvres. Bien qu’étant des comédies de type slapstick, ses films intégraient des éléments de pathos et étaient marqués par les thèmes sociaux et politiques ainsi que par des éléments autobiographiques. En 1972, l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences lui a remis un Oscar d’honneur pour sa contribution inestimable à l’industrie cinématographique et plusieurs de ses œuvres sont aujourd’hui considérées comme faisant partie des plus grands films de tous les temps.
L’enfance de Chaplin fut marquée par la misère et les privations, ce qui poussa son biographe officiel David Robinson à écrire que son parcours ultérieur fut « le plus spectaculaire de tous les récits jamais racontés sur l’ascension des haillons aux richesses ». Il passa ses premières années avec sa mère et son frère Sydney dans le borough londonien de Kennington; hormis quelques travaux de couture ou de nourrice, Hannah n’avait aucun revenu et Charles Sr. n’apporta aucun soutien à ses enfants. Alors que la situation financière du foyer se détériorait, Chaplin fut envoyé dans une workhouse à l’âge de sept ans. Il indiqua par la suite qu’il y connut une « triste existence » et fut brièvement rendu à sa mère 18 mois plus tard ; Hannah fut rapidement contrainte de se séparer à nouveau de ses enfants, qui furent envoyés dans une autre institution pour enfants indigents. D’après David Robinson, Chaplin y développa une phobie des serpents.
L’état de santé d’Hannah s’améliora, mais elle fit une rechute en mai 1903. Chaplin, alors âgé de 14 ans, l’emmena au dispensaire, d’où elle fut renvoyée à Cane Hill. Il vécut seul pendant plusieurs jours et dormit dans la rue en attendant le retour de son frère qui s’était engagé dans la Marine deux ans plus tôt. Hannah quitta l’asile au bout de huit mois, mais elle rechuta de manière permanente en mars 1905. Chaplin écrivit plus tard que « nous ne pouvions rien faire d’autre qu’accepter le triste destin de notre mère ». En 1921, Charlie et son frère Sydney obtiennent qu’elle vienne les rejoindre à Hollywood. Charlie lui a acheté une maison en bord de mer, et Hannah y vivra ses sept dernières années, soignée à domicile. C’est là qu’elle pourra revoir son troisième fils, Wheeler Dryden, dont elle avait été séparée depuis trente ans, peu après sa naissance. Elle meurt le 28 août 1928.
Alors que Chaplin était en tournée avec les Eight Lancashire Lads, sa mère s’assura qu’il continuait à aller à l’école, mais il abandonna vers treize ans. Après une période de petits boulots, il s’inscrivit dans une agence artistique du West End de Londres à quatorze ans peu après la rechute de sa mère. Le responsable de l’agence discerna un potentiel chez Chaplin et lui offrit rapidement son premier rôle en tant que vendeur de journaux dans la pièce Jim, a Romance of Cockayne de Harry A. Saintsbury. La première eut lieu en juillet 1903, mais le spectacle ne rencontra pas le succès et les représentations s’arrêtèrent au bout de deux semaines; la performance comique de Chaplin fut néanmoins remarquée par les critiques. Saintsbury lui obtint ensuite le rôle du groom Billy dans la pièce Sherlock Holmes de Charles Frohman. Son jeu fut si bien reçu qu’il fut appelé à Londres pour se produire aux côtés de William Gillette, qui avait coécrit la pièce avec Arthur Conan Doyle. Il fit sa dernière tournée de Sherlock Holmes au début de l’année 1906 après y avoir joué pendant plus de deux ans et demi.
Dans le même temps, Sydney Chaplin avait rejoint en 1906 la prestigieuse troupe comique de Fred Karno, dont il était devenu l’un des acteurs principaux en 1908. En février, il parvint à obtenir une période d’essai de deux semaines pour son frère cadet. Karno ne fut initialement pas convaincu et considérait Chaplin comme un « enfant à l’air renfrogné pâle et chétif » qui « semblait bien trop timide pour faire quoi que ce soit de bien au théâtre ». Il fut cependant impressionné par sa première prestation au London Theatre et l’engagea immédiatement. Après des rôles secondaires, Chaplin accéda aux rôles principaux en 1909 et il fut l’acteur principal de la nouvelle comédie Jimmy the Fearless en avril 1910. Ce fut un grand succès qui attira l’attention de la presse sur le jeune artiste.
Karno choisit sa nouvelle vedette pour participer avec une partie de sa troupe à une tournée en Amérique du Nord. Chaplin mena les spectacles de music-hall et impressionna les critiques qui le décrivirent comme « l’un des meilleurs artistes de pantomime jamais vu ». La tournée dura 21 mois et la troupe retourna en Grande-Bretagne en juin 1912. Chaplin se souvint qu’il « eut le sentiment troublant de revenir aux platitudes déprimantes » et fut ravi quand une nouvelle tournée commença en octobre.
Chaplin arriva dans les studios de Los Angeles au début du mois de décembre 1913 et rencontra son responsable Mack Sennett, qui pensait que le jeune homme de 24 ans paraissait trop jeune. Il ne joua pas avant la fin du mois de février 1914 et profita de cette période pour se familiariser avec la réalisation cinématographique. Il fit ses débuts dans le court-métrage Pour gagner sa vie, sorti le 2 février 1914, mais détesta le film. Dans ce premier film, il se présentait comme une sorte de dandy en redingote étriquée, chapeau haut-de-forme et grandes moustaches tombantes. Pour son second rôle, Chaplin choisit le costume de Charlot (en anglais, The Tramp ou vagabond) avec lequel il se fit connaître; dans son autobiographie, il décrivit le processus :
« Je voulais que tout soit une contradiction : le pantalon ample, la veste étriquée, le chapeau étroit et les chaussures larges… J’ai ajouté une petite moustache qui, selon moi, me vieillirait sans affecter mon expression. Je n’avais aucune idée du personnage mais dès que je fus habillé, les vêtements et le maquillage me firent sentir qui il était. J’ai commencé à le connaître et quand je suis entré sur le plateau, il était entièrement né. »
Ce film fut L’Étrange Aventure de Mabel (1914) mais le personnage de « Charlot » apparut pour la première fois dans Charlot est content de lui (1914) tourné peu après mais qui sortit deux jours plus tôt le 7 février 1914. Chaplin adopta rapidement ce personnage et fit des suggestions pour les films dans lesquels il apparaissait mais elles furent rejetées par les réalisateurs. Durant le tournage de son 11ème film, Mabel au volant (1914), il affronta la réalisatrice Mabel Normand et l’incident faillit entraîner la résiliation de son contrat. Sennett le conserva néanmoins après avoir reçu des commandes pour de nouveaux films avec Chaplin. Il l’autorisa également à réaliser son prochain film après que Chaplin eut promis de payer 1 500 $ (environ 68 000 $ de 2012) s’il ne marchait pas.
Un béguin de Charlot sorti le 4 mai 1914 marqua les débuts de réalisateur de Chaplin et connut un grand succès. Par la suite, il réalisa quasiment tous les courts-métrages de Keystone dans lesquels il joua; Chaplin rapporta par la suite que cette période où il réalisait environ un film par semaine fut la plus excitante de sa carrière. Il introduisit une forme de comédie plus lente que les farces typiques de Keystone et rassembla rapidement un grand nombre d’admirateurs. En novembre 1914, il joua avec Marie Dressler dans le long-métrage Le Roman comique de Charlot et Lolotte (1914) réalisé par Sennet; le film fut un succès et accrut sa popularité. Lorsque le contrat de Chaplin expira à la fin de l’année, il demanda un salaire hebdomadaire de 1 000 $ (environ 45 200 $ de 2012), une somme que Sennett refusa car trop élevée.
Chaplin exerçait un contrôle important sur ses films et il commença à consacrer beaucoup de temps et d’énergie dans chacune de ses réalisations. Un mois sépara sa seconde production, Charlot fait la noce, et sa troisième, Charlot boxeur (1915), et il adopta ce rythme pour ses réalisations ultérieures avec Essenay. Il modifia également son personnage qui avait été critiqué par Keystone en raison de son caractère « malveillant, rustre et grossier » pour lui donner une personnalité plus douce et romantique. Cette évolution fut illustrée par Le Vagabond (1915) et Charlot garçon de banque (1915) en août qui comportaient un final plus triste. Robinson note que cela était une innovation pour les films comiques et les critiques sérieux commencèrent à plus apprécier son travail. L’historien du cinéma Simon Louvish indiqua qu’avec Essanay Chaplin « trouva les thèmes qui définirent le monde de Charlot ».
Immédiatement après ses débuts cinématographiques, Chaplin devint un phénomène culturel. Les magasins vendaient des produits associés à son personnage de Charlot qui apparut dans des bandes dessinées et dans des chansons. En juillet 1915, un journaliste du magazine Motion Picture Magazine écrivit que la « chaplinite » se propageait en Amérique. Sa popularité s’étendit également à l’étranger et il devint la première star internationale du cinéma. Alors que son contrat avec Essenay expirait en décembre 1915, Chaplin, pleinement conscient de sa célébrité, demanda une prime d’embauche de 150 000 $ (environ sept millions de dollars de 2012) à son nouveau studio. Il reçut plusieurs propositions venant entre autres d’Universal, de la Fox et de Vitagraph.
Mutual accorda à Chaplin son propre studio à Los Angeles, qui fut inauguré en mars 1916. Il recruta deux nouveaux acteurs pour l’accompagner, Albert Austin et Eric Campbell, et réalisa une série de films plus élaborés et mélodramatiques : Charlot chef de rayon (1916), Charlot pompier (1916), Charlot musicien (1915), Charlot rentre tard (1916), Charlot et le Comte (1916). Pour Charlot usurier (1916), il embaucha l’acteur Henry Bergman, qui travailla avec lui pendant 30 ans. Charlot fait du ciné (1916) et Charlot patine (1916) furent ses dernières réalisations pour l’année 1916. Le contrat avec Mutual stipulait qu’il devait réaliser un court-métrage toutes les quatre semaines, ce qu’il avait fait. Il commença néanmoins à demander plus de temps pour créer ses films et il n’en réalisa que quatre autres pour Mutual dans les dix premiers mois de l’année 1917 : Charlot policeman (1917), Charlot fait une cure (1917), L’Émigrant (1917) et Charlot s’évade (1917). Du fait de leur réalisation méticuleuse et de leur construction soignée, ces films sont considérés comme parmi les meilleures œuvres de Chaplin par les spécialistes du cinéaste. Plus tard, Chaplin indiqua que ses années à Mutual furent les plus heureuses de sa carrière.
Chaplin fut critiqué par la presse britannique pour son absence de participation à la Première Guerre mondiale. Il répondit qu’il se battrait pour le Royaume-Uni s’il y était appelé et qu’il avait répondu à la conscription américaine; aucun des deux pays ne lui demanda de s’enrôler et l’ambassade britannique aux États-Unis publia une déclaration indiquant que « Chaplin est bien plus utile à la Grande-Bretagne en gagnant de l’argent et en achetant des obligations de guerre que dans les tranchées ». Malgré ces critiques, Chaplin était l’un des acteurs préférés des soldats, et sa popularité continua de grandir dans le monde entier. Le magazine américain Harper’s Weekly rapporta que le nom de Charlie Chaplin faisait « partie de la langue véhiculaire de presque tous les pays » et que l’image de Charlot était « universellement familière ». En 1917, les imitateurs professionnels de Charlot étaient si répandus qu’il lança des actions en justice et il fut rapporté que neuf hommes sur dix qui participaient à des soirées costumées reprenaient son accoutrement. L’actrice Minnie M. Fiske écrivit qu’un « nombre en constante augmentation de personnes cultivées commencent à considérer le jeune bouffon anglais, Charlie Chaplin comme un artiste extraordinaire et un génie comique ».
Une vie de chien (1918), fut son premier film sous ce nouveau contrat. Il y démontra une attention grandissante pour l’intrigue et son traitement de Charlot comme « une sorte de Pierrot ». Le film fut décrit par le critique français Louis Delluc comme « la première œuvre d’art totale du cinéma ». Chaplin participa ensuite à l’effort de guerre en réalisant une tournée d’un mois aux États-Unis pour lever des fonds pour les alliés. Il produisit également un court-métrage de propagande pour le gouvernement appelé The Bond (1918). Son film suivant, Charlot soldat (1918), mit en scène Charlot dans les tranchées; ses associés le mirent en garde contre une comédie sur la guerre, mais il indiqua par la suite que « dangereuse ou non, l’idée m’excitait ». Le tournage dura quatre mois et le film de 45 minutes rencontra un grand succès à sa sortie, en octobre 1918.
Après la sortie de Charlot soldat, Chaplin demanda plus de fonds à la First National, qui refusa. Frustré par le manque de considération du studio pour la qualité et inquiet des rumeurs d’une fusion avec Famous Players-Lasky, il se rapprocha de ses collègues Douglas Fairbanks, Mary Pickford et D. W. Griffith pour fonder une nouvelle société de distribution. La création d’United Artists en janvier 1919 fut une révolution pour l’industrie cinématographique, car les quatre fondateurs pouvaient personnellement financer leurs œuvres et avoir un contrôle total sur elles. Chaplin était impatient de pouvoir commencer avec sa nouvelle entreprise et offrit de racheter son contrat avec la First National. Le studio refusa et insista pour qu’il livre les six derniers films qu’il avait promis.
Cette tragédie personnelle influença l’œuvre de Chaplin, car il envisagea de faire de Charlot le tuteur d’un jeune garçon. Le tournage du Kid (1921) commença en août 1919 avec le jeune Jackie Coogan, alors âgé de quatre ans. Chaplin réalisa que le projet était plus important que prévu et, pour apaiser la First National, arrêta sa production et tourna rapidement Une journée de plaisir (1919). La réalisation du Kid dura neuf mois, jusqu’en mai 1920, et sa durée de 68 minutes en faisait le plus long du cinéaste. Marqué par les thèmes de la pauvreté et de la séparation, on considère que Le Kid fut influencé par la propre enfance de Chaplin et il fut l’un des premiers films à associer la comédie et le drame. Le succès fut immédiat à sa sortie en janvier 1921 et il fut distribué dans plus de 50 pays dans les trois années qui suivirent.
Chaplin consacra cinq mois à son film suivant de 31 minutes, Charlot et le Masque de fer (1921). Après sa sortie en septembre 1921, il décida de retourner en Grande-Bretagne pour la première fois en près d’une décennie. Il remplit ensuite son contrat avec la First National en réalisant Jour de paye (1922) et Le Pèlerin (1923) un an plus tard.
Ayant rempli ses obligations avec la First National, Chaplin était à présent libre de réaliser ses films en tant que producteur indépendant. En novembre 1922, il commença le tournage de L’Opinion publique (1923). Il voulait que ce drame romantique lance la carrière d’Edna Purviance et ne réalisa qu’un bref caméo non crédité dans cette production. Il voulait que le film soit réaliste et demanda à ses acteurs de jouer de manière retenue, expliquant que dans la vie réelle « les hommes et les femmes essayent de dissimuler leurs émotions plutôt que de vouloir les montrer ». La première de L’Opinion publique en septembre 1923 fut acclamée par la critique pour son approche subtile, qui était alors une innovation. Le public semblait cependant peu intéressé par un film de Chaplin sans Charlot et il fut un échec. Le cinéaste fut affecté par ce revers, car il avait voulu réaliser un film dramatique et était fier du résultat; il retira L’Opinion publique des salles aussi vite que possible.
Avec un coût de près d’un million de dollars, Chaplin considérait que La Ruée vers l’or était le meilleur film qu’il ait réalisé jusque-là. Après sa sortie en août 1925, il devint l’un des plus gros succès du cinéma muet, avec cinq millions de dollars (environ 132 millions de dollars de 2012) de recettes. La comédie comporte certaines des scènes les plus célèbres de Chaplin, comme celle de Charlot mangeant sa chaussure ou celle dite de la « danse des petits pains », et il déclara par la suite qu’il s’agissait du film duquel il aimerait que les gens se souviennent de lui.
Cette union fut malheureuse et Chaplin passait beaucoup de temps en studio pour éviter de voir son épouse. En novembre 1926, Lita Grey quitta leur foyer avec leurs enfants. Lors de la difficile procédure de divorce, les documents de Lita Grey accusant Chaplin d’infidélité, de violence et d’entretenir des « désirs sexuels pervers » furent publiés par la presse. Il fut rapporté que Chaplin était au bord d’une crise de nerfs, alors que l’histoire faisait la une des journaux et que des groupes furent créés pour demander l’interdiction de ses films. Impatients de mettre un terme à l’affaire, les avocats de Chaplin acceptèrent en août 1927 de payer 600 000 $ (environ 15,3 millions de dollars de 2012), la plus grosse somme accordée lors d’un procès aux États-Unis jusqu’alors. La popularité de Chaplin lui permit de surmonter l’incident, qui fut rapidement oublié, mais il en resta profondément affecté.
Avant le début de la procédure de divorce, Chaplin avait commencé à travailler sur un nouveau film, Le Cirque (1928). Le tournage fut suspendu dix mois durant le scandale de son divorce et la production fut marquée par les difficultés. Finalement terminé en octobre 1927, Le Cirque sortit en janvier 1928 et reçut un accueil positif. Lors de la 1re cérémonie des Oscars, Chaplin reçut un Oscar d’honneur « pour sa polyvalence et son génie à jouer, écrire, mettre en scène et produire Le Cirque ». Malgré le succès du film, Chaplin l’associa avec le stress de sa production ; il ne le mentionna pas dans son autobiographie et eut du mal à travailler dessus quand il le resonorisa en 1967.
Le cinéma sonore apparaissait à l’époque où sortait Le Cirque. Chaplin était sceptique quant à cette nouvelle technique et estimait que les « parlants » ne valaient pas les films muets, du point de vue artistique. Il était également réticent à l’idée de changer la formule qui avait fait son succès et craignait que donner une voix à Charlot ne limite son attrait à l’international. Il rejeta donc cette mode hollywoodienne et commença à travailler sur un nouveau film muet ; cette décision le rendit néanmoins anxieux et il le resta tout au long de la production de ce nouveau projet.
Chaplin finalisa Les Lumières de la ville en décembre 1930 à un moment où les films muets étaient devenus anachroniques. Une pré-projection ne fut pas un succès, mais la presse fut séduite. Un journaliste écrivit : « Personne d’autre que Charlie Chaplin n’aurait pu le faire. Il est le seul à avoir ce quelque chose d’étrange appelé « attrait de l’audience » en quantité suffisante pour défier le penchant populaire pour les films qui parlent ». Lors de sa sortie officielle en janvier 1931, Les Lumières de la ville fut un succès populaire et financier qui rapporta plus de trois millions de dollars. Le British Film Institute le cite comme la plus grande réussite de Chaplin et le critique James Agee évoque son final comme « le meilleur jeu d’acteur et le plus grand moment de l’histoire du cinéma ».
Les Lumières de la ville avait été un succès mais Chaplin n’était pas certain de pouvoir réaliser un nouveau film sans dialogues. Il restait convaincu que le son ne marcherait pas dans ses films, mais était également « obsédé par la peur déprimante d’être démodé ». En raison de ces incertitudes, le comédien choisit au début de l’année 1931 de prendre des vacances et il arrêta de tourner pendant 16 mois. Il visita l’Europe de l’Ouest, dont la France et la Suisse, et décida spontanément de se rendre dans l’Empire du Japon. La-bas, il fut témoin de l’incident du 15 mai 1932 durant lequel des officiers nationalistes tentèrent un coup d’État, assassinant le premier ministre du Japon Tsuyoshi Inukai. Le plan initial incluait notamment de tuer Charlie Chaplin afin de déclencher une guerre avec les États-Unis. Quand le premier ministre fut tué, son fils Takeru Inukai assistait à une compétition de sumo avec Charlie Chaplin, ce qui leur a probablement sauvé la vie.
Dans son autobiographie, il nota qu’à son retour à Los Angeles en juin 1932, « il était perdu et sans but, fatigué et conscient d’une extrême solitude ». Il envisagea brièvement la possibilité de prendre sa retraite et de s’installer en Chine.
Les Temps modernes (1936) fut présenté par Chaplin comme « une satire de certaines situations de notre vie industrielle ». Il envisagea d’en faire un film parlant, mais changea d’avis lors des répétitions. Comme ses prédécesseurs, Les Temps modernes utilisait des effets sonores synchronisés, mais presque aucune parole. Dans le film, l’interprétation en « charabia » d’une chanson par Chaplin donna néanmoins pour la première fois une voix à Charlot. Après l’enregistrement de la musique, le résultat fut présenté en février 1936. Il s’agissait de son premier film depuis Le Kid (1921) à intégrer des références politiques et sociales et ce facteur entraîna une forte couverture médiatique, même si Chaplin tenta de minimiser le sujet. Le film connut un succès moindre que ses précédents films et les critiques furent plus mitigées, certaines désapprouvant sa signification politique. Les Temps modernes est néanmoins devenu un classique du répertoire de Chaplin.
À la suite de cette sortie, Chaplin se rendit en Extrême-Orient avec Goddard. Le couple refusa tout commentaire sur la nature de leur relation et on ne savait alors pas vraiment s’ils étaient mariés ou non. Quelque temps plus tard, Chaplin révéla qu’ils s’étaient mariés à Canton, en Chine, durant ce voyage. Les deux s’éloignèrent cependant rapidement l’un de l’autre pour se consacrer à leur travail ; Goddard divorça finalement en 1942, en avançant qu’ils étaient séparés depuis plus d’un an.
Chaplin consacra deux années à la rédaction du scénario et commença le tournage en septembre 1939 alors que la Seconde Guerre mondiale venait d’éclater. Chaplin décida de renoncer au film muet, car il estimait que c’était démodé et qu’il serait plus facile de délivrer un message politique avec la parole. Réaliser une comédie sur Hitler était très délicat, mais l’indépendance financière de Chaplin lui permit de prendre le risque : « J’étais déterminé à le faire car on doit se moquer d’Hitler ». Dans le film, Chaplin s’éloigna de son personnage de Charlot, tout en conservant son accoutrement, en jouant un « barbier juif » vivant dans une dictature européenne ressemblant considérablement à la dictature hitlérienne ; Chaplin répondait ainsi aux nazis qui prétendaient qu’il était juif. Il joua également le dictateur « Adenoïd Hynkel », parodiant Hitler.
Le Dictateur passa une année en postproduction et fut présenté au public en octobre 1940. Le film fit l’objet d’une importante campagne publicitaire et un critique du New York Times le qualifia de « film attendu avec le plus d’impatience de l’année ». Il connut un succès populaire considérable, même si le dénouement fut controversé. Dans ce final où son personnage de barbier juif a pris la place du dictateur, Chaplin prononce un discours de six minutes face à la caméra, dans lequel il expose ses opinions politiques personnelles. Selon l’historien du cinéma Charles J. Maland, à une époque où le cinéma évitait les thèmes politiques controversés, cette prise de liberté a marqué le début du déclin de la popularité de Chaplin : « Dorénavant, aucun admirateur ne pourra séparer la dimension politique de sa star de cinéma ». Le Dictateur fut nommé dans cinq catégories lors de la 13ème cérémonie des Oscars, dont celles du meilleur film, du meilleur acteur et du meilleur scénario, même s’il ne remporta aucune statuette.
Dans le milieu des années 1940, Chaplin fut impliqué dans une série de procès qui accaparèrent une grande partie de son temps et affectèrent son image publique. Ces derniers étaient liés à sa relation intermittente avec l’aspirante actrice Joan Barry, entre juin 1941 et l’été 1942. Ils se séparèrent après que cette dernière eut fait montre de troubles mentaux, et elle fut arrêtée à deux reprises pour harcèlement après cette rupture. Elle réapparut l’année suivante en annonçant qu’elle était enceinte du réalisateur; ce dernier nia et Barry entama une procédure en reconnaissance de paternité.
Barry accoucha en octobre 1944 d’une fille, Carole Ann, et le procès en paternité débuta en février 1945. Après deux procès difficiles au cours desquels Chaplin fut accusé de « turpitude morale » par le procureur, il fut déclaré être le père. Le juge refusa d’accepter les preuves médicales, et en particulier la différence de groupe sanguin qui infirmait cette conclusion, et il dut payer une pension à sa fille jusqu’à ses 21 ans. La couverture médiatique du procès fut influencée par le FBI, qui transmettait des informations à l’influente journaliste à scandales Hedda Hopper.
La controverse entourant Chaplin s’accrut encore quand le 16 juin 1943, deux semaines après le début de la procédure de reconnaissance de paternité, il fut annoncé qu’il épousait sa nouvelle jeune protégée de 18 ans, Oona O’Neill, la fille du dramaturge américain Eugene O’Neill. Chaplin, alors âgé de 54 ans, lui avait été présenté par un agent artistique sept mois plus tôt, et dans son autobiographie, il décrivit leur rencontre comme « l’événement le plus heureux de sa vie » et indiqua qu’il avait découvert le « parfait amour ». Ils restèrent mariés jusqu’à sa mort en 1977 et eurent huit enfants : Geraldine Leigh (1944), Michael John (1946), Josephine Hannah (1949), Victoria (1951), Eugene Anthony (1953), Jane Cecil (1957), Annette Emily (1959) et Christopher James (1962).
Chaplin avança que ces procès avaient « démoli [sa] créativité » et en avril 1946, il commença le tournage d’un film sur lequel il travaillait depuis 1942. Monsieur Verdoux (1947) était une comédie noire sur un employé de banque français, M. Verdoux joué par Chaplin, réduit au chômage et qui commence à épouser et à assassiner de riches veuves pour subvenir aux besoins de sa famille. L’idée lui avait été fournie par Orson Welles, qui voulait qu’il jouât dans un film sur le tueur en série français Henri Désiré Landru. Chaplin estima que ce concept « ferait une superbe comédie » et acheta le scénario à Welles pour 5 000 $ (environ 130 000 $ de 2012).
Chaplin exprima à nouveau ses idées politiques dans Monsieur Verdoux en critiquant le capitalisme et le film fut très controversé à sa sortie, en avril 1947. Il fut hué lors de la première et certains demandèrent son interdiction. Il s’agissait du premier film où son personnage n’avait aucun rapport avec Charlot et il fut également le premier à être un échec critique et commercial aux États-Unis. Il fut mieux accueilli à l’étranger et fut nommé pour le meilleur scénario lors de la 20ème cérémonie des Oscars. Chaplin était néanmoins fier de son œuvre et écrivit dans son autobiographie : « Monsieur Verdoux est le plus intelligent et plus brillant des films que j’ai réalisés ».
L’accueil négatif de Monsieur Verdoux était largement le résultat de l’évolution de l’image publique de Chaplin. En plus du scandale de l’affaire Joan Barry, il fut publiquement accusé d’être communiste. Ses actions politiques s’étaient intensifiées durant la Seconde Guerre mondiale et il avait fait campagne pour l’ouverture d’un second front pour soulager les Soviétiques. Il s’était rapproché de sympathisants communistes connus comme Hanns Eisler et Bertolt Brecht et il participa à des réceptions organisées par des diplomates soviétiques à Los Angeles. Dans le contexte politique de « Peur rouge » qui prévalait à l’époque aux États-Unis, de telles activités faisaient que Chaplin était, selon Larcher, considéré comme « dangereusement progressiste et amoral ». Le FBI était déterminé à lui faire quitter le pays et il lança une enquête officielle à son encontre en 1947.
Chaplin nia être un communiste et se présenta comme un pacifiste qui estimait que les actions du gouvernement américain pour réprimer une idéologie étaient une violation inacceptable des libertés publiques. Refusant de se taire sur cette question, il protesta ouvertement contre les procès des membres du parti communiste américain devant le House Un-American Activities Committee (HUAC) et fut convoqué par ce dernier. Alors que ses actions étaient largement relayées dans la presse et que la guerre froide gagnait en intensité, sa non-acquisition de la citoyenneté américaine fut critiquée et certains demandèrent son expulsion. Le représentant du Mississippi John E. Rankin déclara devant le Congrès en juin 1947 : « Sa vie à Hollywood est nuisible au tissu moral des États-Unis. [S’il est expulsé], ses films répugnants pourront être gardés à l’écart des yeux de la jeunesse américaine. Nous devons l’expulser et nous en débarrasser une bonne fois pour toutes. »
Après trois ans de préparation, le tournage commença en novembre 1951. Il adopta un ton bien plus sérieux que dans ses précédents films et parlait régulièrement de « mélancolie » en expliquant le scénario à sa partenaire Claire Bloom. Le film est également notable pour la présence de Buster Keaton, qui fut la seule occasion où les deux géniaux artistes travaillèrent ensemble.
Chaplin décida d’organiser la première mondiale des Feux de la rampe à Londres, vu que le film s’y déroulait. Quittant Los Angeles, il indiqua qu’il s’attendait à ne jamais pouvoir revenir, chassé par l’Amérique maccarthyste. À New York, il embarqua avec sa famille à bord du paquebot transatlantique HMS Queen Elizabeth le 18 septembre 1952. Le lendemain, le procureur général des États-Unis, James McGranery, révoqua le visa de Chaplin et déclara qu’il devrait se soumettre à un entretien sur ses opinions politiques et sa moralité pour pouvoir revenir aux États-Unis. Même si McGranery indiqua à la presse qu’il avait « un dossier assez solide contre Chaplin », Maland conclut, en s’appuyant sur les documents du FBI rendus publics dans les années 1980, que le gouvernement américain n’avait pas réellement de preuves suffisantes pour empêcher le retour de Chaplin ; il est même probable qu’il aurait obtenu un visa s’il en avait fait la demande. Cependant, quand il reçut un câblogramme l’informant de cette décision, Chaplin décida de rompre tous ses liens avec les États-Unis :
« Que je revienne ou non dans ce triste pays avait peu d’importance pour moi. J’aurais voulu leur dire que plus tôt je serais débarrassé de cette atmosphère haineuse, mieux je serais, que j’étais fatigué des insultes et de l’arrogance morale de l’Amérique. »
Comme tous ses biens étaient aux États-Unis, Chaplin ne fit aucun commentaire négatif dans la presse, mais l’affaire fit sensation. Si Chaplin et son film furent bien accueillis en Europe, Les Feux de la rampe fut largement boycotté aux États-Unis malgré des critiques positives. Maland écrivit que la chute de Chaplin d’un niveau de popularité inégalé « est peut-être la plus spectaculaire de toute l’histoire de la célébrité aux États-Unis ».
Chaplin ne tenta pas de revenir aux États-Unis après la révocation de son visa d’entrée et envoya sa femme à Los Angeles pour régler ses affaires. Le couple se décida pour la Suisse et la famille s’installa en janvier 1953 au manoir de Ban, une propriété de 15 hectares surplombant le lac Léman dans la commune de Corsier-sur-Vevey. Chaplin mit en vente sa résidence et son studio de Beverly Hills en mars et rendit son visa en avril. L’année suivante, sa femme renonça à sa nationalité américaine pour devenir Britannique. Il abandonna ses derniers liens professionnels avec les États-Unis en 1955 quand il vendit ses parts dans la United Artists, qui était du reste en difficultés financières depuis le début des années 1940.
Chaplin resta une figure controversée tout au long des années 1950, en particulier après qu’il eut reçu le prix international de la paix décerné par le Conseil mondial de la paix, d’obédience communiste, et ses rencontres avec le Chinois Zhou Enlai et le Soviétique Nikita Khrouchtchev. Il commença à développer son premier film européen, Un roi à New York (1957). Jouant le rôle d’un roi exilé cherchant asile aux États-Unis, Chaplin exploita ses problèmes récents pour écrire le scénario. Son fils, Michael, est présenté comme un garçon dont les parents sont visés par le FBI, tandis que le personnage de Chaplin est accusé d’être un communiste. Cette satire politique parodiait les actions de l’HUAC ainsi que le consumérisme de la société américaine des années 1950. Dans sa critique, le dramaturge John Osborne le qualifia de film le « plus acide… et de plus ouvertement personnel » de Chaplin.
Aux États-Unis, l’atmosphère politique commença à évoluer et l’attention du public se tourna à nouveau vers les films de Chaplin et non plus vers ses opinions. En juillet 1962, le New York Times publia un éditorial indiquant que « nous ne pensons pas que la République serait en danger si l’inoublié petit Charlot d’hier était autorisé à se promener sur la passerelle d’un navire ou d’un avion dans un port américain ». Le même mois, Chaplin reçut un doctorat honorifique en Lettres des universités d’Oxford et de Durham. En novembre 1963, le Plaza Theater de New York commença une rétrospective des films de Chaplin, dont Monsieur Verdoux et Les Feux de la rampe pour lesquels les critiques furent bien plus positives que dix ans plus tôt. Septembre 1964 vit la publication de ses mémoires, Histoire de ma vie, sur lesquels il travaillait depuis 1957. Le livre de 500 pages mettant l’accent sur ses premières années et sa vie privée connut un succès mondial, même si les critiques pointèrent le manque d’informations sur sa carrière cinématographique.
Peu après la publication de ses mémoires, Chaplin commença à travailler sur La Comtesse de Hong-Kong (1967), une comédie romantique basée sur un scénario qu’il avait écrit dans les années 1930 pour Paulette Goddard. Située sur un paquebot, l’action mettait en scène Marlon Brando jouant un ambassadeur américain et Sophia Loren dans le rôle d’une passagère clandestine. Le film différait des précédentes productions de Chaplin sur plusieurs points : il était le premier à employer le technicolor et la résolution écran large, tandis que Chaplin se concentra sur la réalisation et n’apparut à l’écran que dans le rôle mineur d’un steward malade. Il signa également un contrat avec le studio Universal Pictures pour le distribuer. La Comtesse de Hong-Kong reçut des critiques négatives à sa sortie en janvier 1967 et fut un échec commercial. Chaplin fut profondément affecté par ce revers et ce film fut son dernier.
En 1972, l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences lui décerna un Oscar d’honneur, ce que Robinson considère comme le premier signe que les États-Unis « voulaient se faire pardonner ». Chaplin hésita à l’accepter, puis décida de se rendre à Los Angeles pour la première fois en vingt ans. La visite fit l’objet d’une large couverture médiatique, et lors de la remise de la récompense il reçut une ovation de douze minutes, la plus longue de toute l’histoire des Oscars. Visiblement ému, Chaplin accepta la statuette rendant hommage « à l’effet incalculable qu’il a eu en faisant des films de cinéma la forme d’art de ce siècle ».
Même si Chaplin avait encore des projets de film, sa santé devint très fragile dans le milieu des années 1970. Plusieurs AVC affectèrent son élocution et il dut utiliser un fauteuil roulant. Parmi ses dernières réalisations figurent la création d’une autobiographie en images, My Life in Pictures (1974) et la resonorisation de L’Opinion publique en 1976. Il apparut également dans un documentaire sur sa vie, The Gentleman Tramp (1975), réalisé par Richard Patterson. En 1975, la reine Élisabeth II le fit chevalier.
Le 1er mars 1978, le cercueil de Chaplin fut exhumé et volé par deux mécaniciens automobile immigrés, un Polonais, Roman Wardas, et un Bulgare, Gantcho Ganev. Leur but était d’extorquer une rançon de cent mille francs suisses à Oona Chaplin afin de pouvoir ouvrir plus tard un garage automobile. Ils furent arrêtés lors d’une vaste opération de police le 17 mai 1978 et le cercueil fut retrouvé enterré dans un champ de maïs près du village voisin de Noville. Il fut réenterré dans le cimetière de Corsier-sur-Vevey et un caveau en béton armé fut ajouté pour empêcher tout nouvel incident.
Chaplin considérait que sa première inspiration était sa mère qui l’amusait, alors qu’il était enfant, en s’asseyant à la fenêtre et en imitant les passants : « C’est grâce à elle que j’ai appris non seulement à exprimer des émotions avec mes mains et mon visage mais également à observer et à étudier les gens ». Les premières années de Chaplin dans le music-hall lui permirent d’observer le travail des comédiens ; il assista également aux spectacles de mime de Noël au théâtre de Drury Lane, où il étudia l’art de la frivolité avec des artistes comme Dan Leno. Ses années dans la compagnie de Fred Karno eurent un effet formateur sur sa carrière d’acteur et de réalisateur. Il y apprit à associer le tragique avec la comédie et à utiliser des éléments absurdes qui devinrent récurrents dans ses œuvres. Dans l’industrie cinématographique, Chaplin s’appuya sur les œuvres du comédien français Max Linder, qu’il admirait. En développant le costume et le jeu de Charlot, il s’inspira probablement de la scène de vaudeville américaine où les personnages de vagabond étaient courants.
Jusqu’à ce qu’il se mette à réaliser des films parlants avec Le Dictateur, Chaplin ne commençait jamais un tournage avec un scénario achevé. Pour ses premiers films, il n’avait qu’une vague idée de départ comme « Charlot se rend dans une station thermale » ou « Charlot travaille comme prêteur sur gage ». Il faisait ensuite réaliser les décors et travaillait avec les autres acteurs pour improviser des effets comiques tout en affinant le scénario tout au long de la production. Alors que les idées étaient acceptées ou rejetées, une structure narrative émergeait et Chaplin était souvent obligé de retourner des scènes qui pouvaient aller à l’encontre de l’histoire. À partir de L’Opinion publique, Chaplin commença à réaliser le tournage à partir d’un scénario préétabli, mais Robinson écrivit que tous ses films, jusqu’aux Temps modernes, continuèrent à subir des modifications jusqu’à atteindre leur forme finale.
En réalisant des films de cette manière, Chaplin avait besoin de plus de temps que tout autre réalisateur de l’époque. S’il était à court d’idées, il s’éloignait alors du studio pendant plusieurs jours, tout en maintenant ses équipes prêtes dès que l’inspiration reviendrait. Le processus de réalisation était également ralenti par son perfectionnisme. Selon son ami et réalisateur britannique Ivor Montagu, « rien d’autre que la perfection n’était suffisant » pour lui. Comme il finançait personnellement ses films, Chaplin avait toute liberté pour atteindre cet objectif et réaliser autant de prises que nécessaire. Leur nombre était ainsi souvent excessif ; chaque prise terminée pour Le Kid en avait nécessité 53 tandis que pour réaliser les 20 minutes de L’Émigrant, il utilisa plus de 12 000 m de pellicule, une longueur suffisante pour faire un long-métrage.
Décrivant ses méthodes de production comme de la « pure détermination jusqu’au bord de la folie », Chaplin était généralement complètement épuisé par les tournages. Robinson écrivit que même dans ses dernières années, son travail « avait la priorité sur tout et tout le monde ». Le mélange d’improvisation et de perfectionnisme qui se traduisait par des jours d’efforts et des milliers de mètres de pellicule gâchés, se révélait éprouvant pour Chaplin qui pouvait se déchaîner contre ses acteurs et ses équipes.
Chaplin exerçait un contrôle complet sur ses œuvres, au point qu’il mimait les autres rôles et voulait que ses acteurs l’imitent exactement. Il effectuait personnellement le montage de tous ses films et fouillait dans les grandes quantités de pellicules pour créer le film qu’il voulait. Chaplin recevait néanmoins l’aide d’autres artistes, dont son ami et directeur de la photographie Roland Totheroh, son frère Sydney Chaplin et divers assistants réalisateurs, comme Harry Crocker, Dan James et Charles Reisner.
Les films muets de Chaplin suivaient généralement les efforts de Charlot pour survivre dans un monde hostile. Même s’il vit dans la pauvreté et est fréquemment maltraité, il reste gentil et optimiste; défiant sa position sociale, il s’efforce d’être vu comme un gentleman. Charlot s’oppose aux figures de l’autorité et « donne autant qu’il reçoit », ce qui poussa Robinson et Louvish à voir en lui un représentant des défavorisés : « Un Monsieur Tout-le-monde devenant un sauveur héroïque ». Hansmeyer note que plusieurs des films de Chaplin se terminent avec « Charlot démuni et seul [marchant] avec optimisme… vers le soleil couchant… pour poursuivre son voyage ».
Les commentaires sociaux étaient également importants dans ses premiers films, car il représentait les démunis sous un jour positif et soulignait leurs difficultés. Par la suite, il développa un grand intérêt pour l’économie et se sentit obligé de faire partager ses opinions dans ses films. Les Temps modernes illustrait les conditions de travail difficiles des ouvriers de l’industrie, Le Dictateur parodiait Hitler et Mussolini et se terminait par un discours contre le nationalisme, Monsieur Verdoux critiquait la guerre et le nationalisme tandis qu’Un roi à New York attaquait le maccarthysme.
Chaplin intégra plusieurs éléments autobiographiques dans ses films et le psychologue Sigmund Freud considérait qu’il « se représentait toujours comme il était dans sa triste enfance ». Il est généralement admis que Le Kid reflète le traumatisme qu’il a subi dans un orphelinat, tandis que le personnage principal des Feux de la rampe fait référence à la vie de ses parents et que Un roi à New York renvoie à son expulsion des États-Unis. Son biographe Stephen M. Weissman nota que sa relation difficile avec sa mère souffrant de troubles mentaux est souvent reflétée dans les personnages féminins de ses films et par le désir de Charlot de les sauver.
En ce qui concerne la structure de ses films, l’historien du cinéma Gerald Mast les voit comme une série de sketchs reliés par une même trame plutôt que comme une suite ordonnée par un scénario précis. Visuellement, ils sont simples et économiques, avec des scènes jouées comme au théâtre. Dans son autobiographie, Chaplin écrivit que « la simplicité est préférable… les effets pompeux ralentissent l’action, sont ennuyeux et désagréables… La caméra ne doit pas faire irruption ». Cette approche n’a pas fait l’unanimité et elle a été qualifiée de démodée depuis les années 1940, tandis que l’historien du cinéma Donald McCaffrey y voit une indication que Chaplin n’a jamais complètement compris le média cinématographique. Kamin avança néanmoins que le talent comique de Chaplin n’aurait jamais été suffisant pour qu’il reste drôle à l’écran s’il n’avait pas eu « la capacité de concevoir et de diriger des scènes spécifiquement pour le cinéma ».
Comme il n’avait reçu aucune éducation musicale, Chaplin ne savait pas lire ou écrire des partitions. Il fit donc appel à des compositeurs professionnels comme David Raksin, Raymond Rasch et Eric James pour mettre en forme ses idées. Certains critiques ont ainsi avancé que la musique de ses films devait être attribuée aux compositeurs ayant travaillé avec lui ; Raksin, qui participa à la mise en musique des Temps Modernes, a néanmoins souligné le rôle créatif et moteur de Chaplin dans le processus de composition. Au début de ce travail, qui pouvait durer des mois, Chaplin décrivait exactement ce qu’il voulait aux compositeurs et jouait les éléments qu’il avait improvisés au piano. Ces mélodies étaient ensuite développées en étroite collaboration. Pour l’historien du cinéma Jeffrey Vance, « même s’il s’appuyait sur ses associés pour mettre en forme des instrumentations complexes, les consignes musicales étaient les siennes, et pas une note n’était placée sans son accord ».
Les compositions de Chaplin donnèrent lieu à trois chansons populaires. Smile, composée pour Les Temps modernes, fut par la suite mise en paroles par John Turner et Geoffrey Parsons, puis interprétée par Nat King Cole en 1954. Pour Les Feux de la rampe, Chaplin composa Terry’s Theme, qui fut popularisée par Jimmy Young sous le titre Eternally en 1952. Enfin, la chanson This Is My Song, chantée par Petula Clark pour La Comtesse de Hong-Kong, connut un grand succès commercial et atteignit la première place du palmarès britannique en 1967. En dehors de ses deux récompenses d’honneur, le seul Oscar que Chaplin remporta fut celui de la meilleure musique de film à l’occasion de la réédition des Feux de la rampe en 1973.
L’historien du cinéma Christian Hansmeyer a noté que l’image de Charlot fait partie de l’histoire culturelle; selon Simon Louvish, ce personnage est connu même dans les endroits où ses films n’ont jamais été projetés. Le critique Richard Schickel suggère que les films de Chaplin avec Charlot présentent « les expressions comiques de l’esprit humain les plus éloquentes et les plus riches » de l’histoire du cinéma. Les objets associés au personnage continuent de fasciner le public et en 2006, un chapeau melon et une canne en bambou ayant appartenu à Chaplin furent achetés 140 000 $ lors d’une vente aux enchères à Los Angeles.
En tant que réalisateur, Chaplin est considéré comme un pionnier et l’une des figures les plus influentes du début du XXème siècle. L’historien du cinéma Mark Cousins a écrit que Chaplin « a changé non seulement l’imagerie du cinéma mais également sa sociologie et sa grammaire » et avance qu’il joua un rôle important dans l’établissement de la comédie en tant que genre, parallèlement à ce qu’avait fait D. W. Griffith pour le drame. Il fut le premier à populariser les longs-métrages comiques et à ralentir le rythme de l’action pour y ajouter de la finesse et du pathos. Pour Robinson, les innovations de Chaplin furent « rapidement assimilées et devinrent les pratiques de base de la réalisation cinématographique ». Federico Fellini (qui définit Chaplin comme « une sorte d’Adam duquel nous sommes tous issus »), Jacques Tati (« sans lui, je n’aurais jamais fait un film »), René Clair (« il a inspiré pratiquement tous les réalisateurs »), Michael Powell, Billy Wilder et Richard Attenborough figurent parmi les réalisateurs ayant affirmé avoir été influencés par Chaplin.
Chaplin inspira également de futurs comédiens, comme Marcel Marceau, qui indiqua qu’il se décida à devenir mime après l’avoir vu, ou Raj Kapoor, qui basa son jeu sur celui de Charlot. Mark Cousins a également identifié le style comique de Chaplin chez les personnages français de Monsieur Hulot et italien de Totò, sans oublier qu’il a également influencé des personnages de dessin animé comme Félix le Chat ou Mickey Mouse. En tant que membre fondateur de la United Artists, Chaplin eut un rôle important dans le développement de l’industrie cinématographique. Gerald Mast a noté que même si cette société ne rivalisa jamais avec la MGM ou la Paramount, l’idée que des réalisateurs puissent produire leurs propres films était « très en avance sur son temps ».
À l’occasion de l’exposition universelle de Bruxelles, en 1958, un jury international de 117 critiques établit un classement des meilleurs films de tous les temps : La Ruée vers l’or (1925) fut classé deuxième derrière Le Cuirassé « Potemkine » (1925) de Sergueï Eisenstein et devant Le Voleur de bicyclette (1948) de Vittorio De Sica (1948). Plusieurs des films de Chaplin restent encore aujourd’hui considérés comme parmi les plus grands jamais réalisés. Le palmarès 2012 de la revue britannique Sight and Sound, mené auprès de critiques de cinéma sur les meilleurs films de l’histoire, liste respectivement Les Lumières de la ville, Les Temps modernes, Le Dictateur et La Ruée vers l’or aux 50ème, 63ème, 144ème et 154ème places; la même étude réalisée auprès de réalisateurs situe Les Temps modernes à la 22ème place, Les Lumières de la ville à la 30ème et La Ruée vers l’or à la 91ème. En 2007, l’American Film Institute nomma Les Lumières de la ville le 11ème plus grand film américain de tous les temps, tandis que La Ruée vers l’or et Les Temps modernes figuraient dans le top 100.
La ville voisine de Vevey a nommé en son honneur un square sur le quai Perdonnet, au bord du lac Léman, et y a édifié en 1982 une statue de Chaplin, œuvre du sculpteur britannique John Doubleday. Au nord de la ville, à quelques centaines de mètres du Manoir de Ban, deux immeubles de 14 étages ont été décorés de fresques évoquant la carrière de l’artiste.
La ville irlandaise de Waterville, où Chaplin passa plusieurs étés en famille dans les années 1960, accueille chaque année depuis 2011 le Charlie Chaplin Comedy Film Festival destiné à honorer l’héritage du comédien et à découvrir de nouveaux talents. Parmi les autres hommages, un objet mineur, (3623) Chaplin, a été nommé en son honneur en 1981 par l’astronome soviétique Lioudmila Karatchkina et de très nombreux pays ont émis des timbres portant son effigie.
L’héritage de Chaplin est géré par l’Association Chaplin, fondée par plusieurs de ses enfants, et qui possède les droits d’auteur sur son image, son nom et sur la plupart des films réalisés après 1918. La Cinémathèque de Bologne, en Italie, abrite les principales archives de l’Association, dont 86 630 images, 976 manuscrits et 7 756 lettres. Plus de 10 000 photographies sur sa vie et sa carrière sont également entreposées au Musée de l’Élysée à Lausanne, en Suisse. Au Royaume-Uni, le British Film Institute accueille depuis 2010 une exposition permanente intitulée Charlie Chaplin – The Great Londoner, et il a fondé le Charles Chaplin Research Foundation, qui a organisé la première conférence internationale sur le cinéaste à Londres, en juillet 2005.
Chaplin a fait l’objet d’un film biographique réalisé par Richard Attenborough, Chaplin (1992); il y est personnifié par Robert Downey Jr., qui fut nommé à l’Oscar du meilleur acteur et remporta le BAFTA du meilleur acteur. Il fut également joué par Eddie Izzard dans le film Un parfum de meurtre (2001). Une série télévisée sur l’enfance de Chaplin, Young Charlie Chaplin, fut diffusée par PBS en 1989 et fut nommée pour l’Emmy Award de meilleur programme pour enfants.
La Rançon de la gloire (2014), de Xavier Beauvois, évoque par ailleurs le vol de la dépouille de Charlie Chaplin en 1978.
Le dernier costume de Charlot (2020), court-métrage de Guy Gauthier, Inspiré par des événements réels, l’histoire d’un des plus étranges « kidnapping » de l’histoire du 7ème art.
Bernard Swysen raconte sa vie en bande dessinée intitulée Charlie Chaplin, les étoiles de l’histoire, dessinée par Bruno Bazile et parue en .
À l’occasion de la publication de son autobiographie, Chaplin a établi sa filmographie, qui se composait alors de 80 films (La Comtesse de Hong-Kong, réalisé trois ans plus tard, s’y est par la suite ajouté). En 2010, une copie de La Course au voleur, réalisé en 1914 et jusqu’alors considéré comme perdu, fut découverte chez un antiquaire du Michigan, portant ainsi sa filmographie à 82 films.
Tous les films de Chaplin, jusqu’au Cirque inclus, sont muets, même si certains ont été réédités avec des bandes-son. Les Lumières de la ville et Les Temps modernes sont muets, mais intègrent des bandes-son composées de musique, de bruitages et de séquences parlées pour le second. Les cinq derniers films de Chaplin sont parlants. Hormis La Comtesse de Hong-Kong, tous les films de Chaplin furent tournés en format 35 mm, noir et blanc.
L’industrie cinématographie le récompensa avec un Lion d’or spécial à la Mostra de Venise de 1972, ainsi qu’une étoile sur le Walk of Fame d’Hollywood en 1970 (cette inscription lui avait auparavant été refusée en raison de ses opinions politiques).
Chaplin reçut au total trois Oscars : un premier Oscar d’honneur en 1929 « pour sa polyvalence et son génie à jouer, écrire, mettre en scène et produire Le Cirque », un second en 1972 « pour l’effet incalculable qu’il a eu en faisant des films de cinéma la forme d’art de ce siècle » et un troisième en 1973 pour la meilleure musique originale (conjointement avec Ray Rasch et Larry Russell), pour Les Feux de la Rampe. Il fut également nommé dans les catégories du meilleur acteur, du meilleur film et du meilleur scénario pour Le Dictateur, ainsi que dans celle du meilleur scénario pour Monsieur Verdoux.
Six des films de Chaplin ont été sélectionnés pour être préservés dans le National Film Registry de la Bibliothèque du Congrès américaine : L’Émigrant (1917), Le Kid (1921), La Ruée vers l’or (1925), Les Lumières de la ville (1931), Les Temps modernes (1936) et Le Dictateur (1940).
Nom du film
Evaluations
Comédie, Drame, Romance